Car je suis malade mental dans un monde qui ne sait pas ce qu’est la maladie mentale.
Livré médiatique, Demorand y livre le récit d’une errance médicale, d’un retard diagnostique de dix ans. L'auteur décrit les multiples tentatives de guérison d'un mal-être qu'il a longtemps cru comme étant une dépression chronique. Jusqu'à un séjour à l'hôpital Sainte Anne, où il rencontre le psychiatre qui lui annonce qu'il est bipolaire et que ses précédents traitements pour soigner la dépression auront davantage aggravé sa maladie. Véritable parcours du combattant, Demorand a l'instinct de survie nécessaire pour tenter de soigner son mal profond. "Intérieur nuit" est le témoignage d'une absence de prise en charge psychiatrique adaptée.
Quant aux psychanalystes ou aux psychiatres-psychanalystes, ils ne m’ont été d’aucune aide.
Et plus loin:
Je ne comprends toujours pas, aujourd’hui, pourquoi personne n’a su sérieusement s’intéresser aux causes du mal au lieu de mal en soigner les effets.
J'avais été particulièrement gêné par les phrases introductives à la sortie du livre. Il s'avère finalement assez touchant, et plutôt bien écrit. Demorand paie aujourd'hui très cher son retard diagnostic: il est suivi et traité mais pas vraiment stabilisé. Probablement pour avoir consommé toute sa vie des médicaments inadaptés, en particulier des antidépresseurs, qui ont aggravé son instabilité.
Cet ouvrage est très court et fort heureusement, sinon ça aurait pompeux vu qu’il s’agit d’un témoignage autobiographique, ce qui sur ce sujet me met particulièrement mal à l’aise. J’avais d’ailleurs été gêné de l’entendre sur les plateaux, de lire ces premières phrases choc, comme des punchlines malaisantes. Et en même temps il n’y a pas d’effet de style: l’auteur est journaliste et ça reste factuel. Il réussit à ne pas susciter la pitié. Il y a en effet beaucoup de pudeur dans cet écrit. On ressent chez lui un résidu de honte, sur une maladie qu'il a longtemps voulu cacher, de peur d'être discrédité professionnellement. Ça reste courageux, et je crois être en mesure de comprendre la honte ressentie, même à titre personnelle et pas uniquement publique, et le fait d’assumer le fardeau d’une telle maladie. Il y a évidemment des choses qui m’ont parlées. Achats compulsifs, dépression sévère. Mais j’ai l’impression de voir une version extrême du dépressif chronique dont le mal s’est accentué à force d’avoir erré pendant une décennie voire plus dans le milieu médical.