Après avoir découvert "Le Galérien", je relis avec plaisir cette série de bande dessinée de Stanislas Barthélémy, avec un scénario de Laurent Rullier. Elle raconte les aventures de Victor, un aide comptable modèle, qui se retrouve embarqué à l'autre bout du monde un peu malgré lui. Suite au décès d'un de ses collègues, qui possédait une grosse quantité d'argent liquide chez lui, Victor atterrit dans un cargo à destination de l'Indochine. C'est la trame du premier volet de la série, "Trafic en Indochine", paru en 1990.
Mais je ne sais même pas où va ce foutu rafiot. (Victor)
À Saigon. Vous allez en Indochine Victor (Bernard, le commanditaire du fret)
Victor quitte donc la France sur un malentendu. Il tente de récupérer de l’argent sale, convoité par une bande de marins véreux. Il se fait initier à la « piastre », une sorte de blanchiment d’argent qui fait prospérer quelques colons français en Indochine. Il finit lui-même par apprendre les combines de ce trafic, ce qui constitue la trame du volet suivant, "La Route de Cao Bang", paru en 1992. Devenu riche grâce à la piastre, Victor continue ses combines et emploie Tuyet, domestique puis concubine de Victor. Elle commence à jouer au casino, puis finit prostituée et accro à l’opium. Victor part à sa recherche du côté de Cao Bang. Il doit quitter le Vietnam, en pleine révolution. Les français finissent par perdre la guerre face aux communistes. Blessé lors d’une tentative d'évasion, Victor s'en sort mais rentre en France. Dans "Le Manchot de la Butte rouge", paru en 1994, notre héros décide de travailler comme gardien de nuit dans une société d'aéronautique. Il se retrouve mêlé à une d'espionnage sur fond de guerre froide.
Le dernier opus de la série, intitulé "La Balade des clampins" et paru en 2004, voit Victor s'aventurer en Bretagne pour amener un parent dément chez lui. Le style graphique évolue un peu. On reconnaît la patte de Stanislas, mais le trait semble volontairement moins lisse. C’est probablement aussi l’histoire la plus légère d’un point de vue historique. On a surtout l’occasion de voir une évolution dans le texte de Ruiller, qui fait un grand usage de termes argotiques dans ce volet. J'espère que les auteurs reprendront du service pour en faire un suite, malgré le fait que ce tome est clairement le plus faiblard de la série.
J’ai dévoré ces aventures comme lors de ma première lecture, dans le train de Varsovie à Berlin. Le dessin est superbe, et l’histoire très intéressante. C’est une période historique que je connais mal: la décolonisation, plus spécifiquement en Indochine, est traitée d'un point de vue intéressant. En effet, les auteurs ont choisi de dépeindre des colons véreux et décadents pour expliquer la défaite des français au Vietnam. J'apprécie particulièrement le dessin de Stanislas, qui n'a pas à rougir de ses maîtres Hergé et Yves Chaland dans sa maîtrise de la ligne claire. Le scénario est un peu à l'ancienne, dans un format classique 48CC. Stanislas a brillamment croqué le personnage imaginé par Ruiller: Victor est un protagoniste en apparence banale mais non dénué de courage. J'y reviendrai probablement un jour et je continuerai à découvrir l’œuvre de Stanislas dans le futur.