Petit Rouge

Le Messie de Dune - Frank Herbert

14/05/2025

TAGS: herbert, roman, sci-fi

"Le Messie de Dune" se concentre de nouveau sur Paul Atréides, devenu empereur après sa victoire sur l’empire galactique. Désormais prophète et souverain absolu, il est confronté aux conséquences terrifiantes de son jihad, qui a causé des milliards de morts. Son règne est désormais menacé par des complots politiques et religieux...

«Dois-je comprendre que ce Hayt est chargé d’empoisonner l'esprit de Paul ? » demanda la Princesse.
«En quelque sorte », dit Scytale.
«Et qu'en est-il de la Qizarate ? »
«Pour transformer l'envie en inimitié, il suffit de la plus infime des suggestions, du plus léger glissement d'émotion. »

Ce passage m’a fait penser à "Inception" de Christopher Nolan. En lisant "Dune" bien trop tard, je réalise à quel point cette saga a été influente sur tous les pans de la culture, même avec des concepts qui tiennent sur quelques lignes. Herbert, comme à son habitude, ne prend volontairement pas le temps de les développer pour laisser l'imagination du spectateur travailler un peu. Ce que j'apprécie particulièrement.

Il y avait si longtemps que son regard de prophète sondait l'éternité, si longtemps qu'il captait des bribes de langages étrangers, si longtemps qu'il épiait les pierres, qu'il guettait une chair qui n'était pas la sienne. Depuis le jour où il avait eu connaissance du but terrible auquel il était voué, il avait ainsi interrogé l'avenir, espérant y découvrir la paix.
Il existait un moyen, cependant. Il le connaissait par cœur sans toutefois en connaître le cœur. Un avenir dont les instructions rigoureuses étaient : abdiquer... abdiquer... abdiquer.

Paul est tiraillé entre l'envie d'abdiquer et maintenir le pouvoir pour réaliser sa vision d'un Arrakis sans désert. La ligue qui fomente un complot pour le renverser attaque aussi ses proches: Chani ne peut pas donner d’enfant à Paul depuis Leto, car Irulan lui donne secrètement un contraceptif. Scytale, membre du Bene Tleilax, est probablement l'élément central de la conjuration. C’est un « Danseur-Visage », un hermaphrodite Jadacha capable de changer de sexe à volonté, ce qui m'a rappelé Orlando de Virginia Woolf. Scytale a conçu un "ghola", un clone nommé Hayt, à partir du cadavre de Duncan Idaho. Hayt est censé être le cheval de Troie des conspirateurs pour attendrir Paul et le tuer ensuite.

L’histoire du Jihad mené par Paul est racontée par ses détracteurs, en particulier dans les encarts de chapitre qui restent présents dans ce tome. Herbert introduit de nouveaux concepts et personnages pour faire évoluer la saga. Le Bene Tleilax est probablement l'adjonction la plus importante. Il s'agit d'une secte, qui diffère du Bene Gesserit dans sa manière de modeler les êtres, mais se place comme un pouvoir à prendre en considération pour la suite. Pour le Bene Tleilax, le contrôle humanoïde semble passer par le clonage, alors que le Bene Gesserit se concentre sur l'eugénisme et pureté de la race:

Qui sait quelles délétions et quelles intrications génétiques Chani pourrait introduire par sa souche fremen sauvage ? Les Sœurs ne doivent contrôler qu'une ligne pure ! (Révérende Mère)

Le Bene Gesserit espère d'ailleurs que Paul aura un héritier avec Irulan. Mais l'héritier Atréides ne peut envisager la naissance sans l'acte d'amour qui lui est associé. Malgré le fait qu'il vit dans la prescience, certaines choses lui échappent, en particulier sur sa descendance. Il analyse des combinaisons de données, dans le temps et l’espace, pour mieux appréhender les futurs possibles. Cette habileté a une contrepartie: il est devenu accro au mélange d’épice. Il en est de même pour sa sœur Alia, qui se découvre de plus en tant que femme désirante: elle succombe au charme de Hayt le ghola. Ce dernier réussit l’exploit de redevenir pleinement Duncan Idaho à la fin du roman, et devient le concubin d'Alia.

Paul finit par déjouer le complot visant à renverser son empire, à l’aide de son entourage proche et ses jumeaux nouvellement nés. Il a réussi à abattre Scytale grâce aux yeux de son fils Leto II et de ses pouvoirs psychiques. Mais devenu aveugle, Paul doit se rendre dans le désert d’Arrakis pour y mourir, selon la loi fremen ancestrale. Il laisse derrière lui deux héritiers.

Le second tome de cette trilogie reste suffisamment obscur pour être pertinent à mon sens d’un point de vue purement science-fiction. Reste que le développement de ce roman m’a moins impressionné que le premier volet: je l'ai trouvé moins inspiré dans l’écriture, et même parfois mièvre. Notamment lors du décès de Chani, morte en accouchant de jumeaux. Je mets en cause la traduction, qui m’a probablement déroutée, mais aussi la difficulté de surpasser le premier volet, chef-d’œuvre incontestable. Je pense ici à la difficulté pour Frank Herbert d’écrire une suite décente après un tel succès, même si à mon sens Asimov aura eu plus de réussite avec Fondation et ses suites. Je lirai évidemment le reste des ouvrages de la saga Dune, bien pressé de découvrir d’éventuels dénouements.