J’apprécie le style de Jochen Gerner. Beaucoup moins aujourd’hui celui de Lewis Trondheim, à la fois dans le dessin et le scénario. Trouvée à bas prix dans une recyclerie, que vaut cette bande dessinée, parue chez L'association en l'an 2000 ?
Certains disent qu’à travers la mort on atteint une forme de liberté. Mais également que trop de liberté tue la liberté. Une liberté mortelle… une mort libératrice. (L’étranger)
Un étranger s’est écrasé avec son vaisseau dans un château céleste. L’alerte est donnée au roi. Devenu amnésique, l’étranger est condamné à mort par ce dernier, ayant perturbé l'harmonie du royaume. Emprisonné, il finit cependant par s'échapper des gardiens et fantômes, et finit même par s’emparer du trône en usurpant l'identité du roi.
Le scénario de Trondheim est rempli de mots d’esprit qui ne m’ont arraché aucun sourire. Malgré un certain sens de la péripétie, les petits traits d’humour vaguement philosophiques et absurdes ne m'ont pas séduits. Composé de cent strips de quatre cases, cette bande dessinée ne m’a donc pas convaincue. Mais je sais aussi que cela tient à cet à priori sur cette scène, que j’ai quasiment reniée depuis le pamphlet « Plates bandes » de Menu. Je me répète un peu sur ce point.
Autant le trait de Gerner me plaît, autant l’humour de Trondheim me laisse indifférent dans cet ouvrage (je devrais relire Lapinot pour voir si ça me fait toujours rire). Il y a eu, dans les années 2000, cette effervescence dans le milieu de la bande dessinée avec L’association et quelques autres éditeurs indépendants. Je me doutais bien que nombre de ces livres finiraient dans les bacs à soldes. Gerner a un réel talent graphique: fer de lance de l’OuBaPo, il a distillé depuis lors une certaine idée de la bande dessinée alternative, souvent expérimentale. Trondheim a pourtant été l’un des instigateurs de cette mouvance autobiographique, mais comme chez Sfar il y a du papier gâché dans ces livres réalisés en urgence. J’ai vraiment le sentiment qu’une partie de ces auteurs ont balisé le terrain de l’indépendant sans aucune réflexion sur leur travail. Ce qui m’a gêné alors concerne essentiellement le mépris pour la bande dessinée franco-belge « à l’ancienne ». Comme s’il y avait la bonne et la mauvaise bande dessinée. Avec des années de recul je constate qu'il n'y échappent pas non plus.