Petit Rouge

Blotch - Blutch

10/12/2024

TAGS: blutch, bd

Monsieur Blotch ! C’est très flatteur mais je me marie dans une semaine (Mariette)

J'ai décidé de relire cette bande dessinée qui me faisait hurler de rire plus jeune. C'est aussi grâce à cet ouvrage de la période Fluide Glacial que j'ai découvert Blutch, qui était peut-être un plus drôle alors qu'il ne l'est aujourd'hui, moins consacré aussi. On y suit les pérégrinations de Blotch, un artiste aussi raté que prétentieux. Chaque début d'histoire débute par un panégyrique, tellement énorme et drôle que j'allais me pisser dessus alors.

Si je devais me définir en deux mots je dirais: génie créatif (Blotch)

Blotch est un personnage rétrograde, réactionnaire. Un artiste médiocre aux idées aussi bêtes que lui qui se croit pourtant très inspiré. Il dessine dans une revue humoristique qui rappelle Fluide Glacial. Il voue une haine tenace envers son rival Jean Bonnot qui dessine dans "Le Rire populaire", le journal concurrent. Chaque rencontre que fait Blotch le tourne en ridicule. Il méprise le jazz, les cubistes et les marseillais.

La beauté sera convulsive ou ne sera pas ! (Jacques de Raynal)

Méprisé en cachette par ses homologues hypocrites chez Fluide, calqués sur les auteurs du magazine comme Larcenet ou Thiriet, Blotch n’aime pas non plus les communards et les noirs. Il est misogyne de surcroît, pour ne rien arranger. Et chacune de ses tirades est à citer tellement son orgueil est maladif. Blutch parvient à faire rire avec un personnage insupportable, frustré et imbu de lui-même, en poussant à l'extrême ses défauts pour le rendre comique et pas uniquement insupportable.

Merci vieux ! À votre dernière exposition d’il y a dix ans, j’avais particulièrement aimé les cadres… (Jean Bonnot)

J'ai relu avec plaisir les deux tomes de ses aventures, "Le Roi de Paris" et "Blotch face à son destin", parus respectivement en 1999 et 2000. J'ai une petite préférence pour le premier volet, qui me semble un peu plus drôle. Le deuxième le rend un peu trop humain en dévoilant un passé plus idéaliste, et en mettant en évidence une nostalgie chez lui qui pourrait excuser sa conduite détestable. Reste que l'humour de Blutch y est manifeste dans les deux volets, il y a de la finesse dans son maniement du second degré. Et probablement beaucoup d'autodérision aussi vu que Blotch est son alter ego beauf. J'extrais du deuxième tome cette dernière citation, pour finir cette chronique:

Tous. Du plus illustre au plus misérable, tous, nous sommes esclaves de cette grande horloge qu’est l’Histoire en marche… À la mort de Victor Hugo, j’avais un ans. Quelle perte pour le grand homme: il ne m’aura pas connu. (Blotch)