Le piège à éviter lorsqu'il s'agit d'évaluer un film attendu en tant que fan inconditionnel d'une franchise tient à éviter de trop la comparer par rapport aux autres volets. C'est vraiment le cas de ce "Alien: Romulus" réalisé par Fede Álvarez. Mais est-ce réellement possible compte tenu du patchwork proposé par le réalisateur uruguayen ? A chaud, ce film s'inscrit bien dans le canon originel: une héroïne, des xénomorphes, l’espace comme environnement hostile... tous les éléments qui ont fait le succès de la série sont là et rendent le film jouissif par ailleurs. Mais Álvarez propose néanmoins une resucée trop flagrante des anciens volets, excepté peut-être le mal-aimé "Alien 3" de David Fincher. Le monstre final ressemble par exemple beaucoup trop à la progéniture du film de Jeunet. Malgré quelques bonnes idées, comme par exemple une sexualisation plus flagrante de la symbiose entre alien et humain (l'insertion de la queue du facehugger dans la bouche d'une protagoniste et la forme vulvaire de l'alien en gestation) ou la dualité entre l'alien et la machine comme éléments néfastes pour l'être humain, ce film m'a pourtant un peu déçu.
Avec un peu de recul, la déception peut se justifier par des manquements dans l'écriture globale. D'une part la référence métaphysique de la création de vie issue de Prometheus (massivement dénigré par le public) a été trop vite expédiée à mon goût: j'ai trouvé dommage que la stagnation de l'évolution humaine dans l'espace soit complètement oubliée dans le final. Le procédé moléculaire qui est censé améliorer l'être humain n'est qu'un détail scénaristique qui m'est apparu mal exploité jusqu'à la fin du film. En effet, même si l’incapacité de l’être humain à se hisser au niveau des architectes du point de vue de la connaissance est implicite, autant Kay qui s’injecte le produit de synthèse ne montre aucune transformation radicale qui pourrait l’attester. D'autre part, Rain en tant qu'héroïne principale ne semble pas très crédible: elle devient beaucoup trop rapidement la femme forte qui a toujours été mise en avant dans la série, alors qu'elle n'a jamais été dans l'espace, qu'elle ne semble pas avoir de compétence particulière qui justifierait sa présence dans l'histoire et qu'elle apparaît initialement bien trop chétive pour se transformer en quelques heures en guerrière destructrice d'aliens.
N'y a-t-il pas une aseptisation de la franchise avec la reprise par Disney ? Même si ce blockbuster reste assez efficace, il y a manifestement une perte du caractère visionnaire de l’œuvre inévitable sur la durée. Dommage, car il y a pourtant un chemin proposé par Ridley Scott à partir de Prometheus qui n'a pas encore été assez creusé à mon goût. Sans être un échec total, mon avis sur ce film est donc très mitigé: Álvarez propose un divertissement honnête, mais passe à côté du fondamental.