Après une longue période de reconstruction suite à sa tentative de suicide de 1971, Kurosawa reprend la caméra et réalise en 1975 l’un de ses plus beaux films: "Dersou Ouzala". Adapté d'un livre autobiographique éponyme de Vladimir Arseniev publié en 1921, il raconte l’étonnante amitié entre un topographe russe et un autochtone sibérien de la tribu des Hezhen. Il s’agit d’une coproduction russo-japonaise et le seul et unique film que Kurosawa réalisera autrement qu’en Japonais. Filmé quasi-intégralement en plein air dans l’Est Sibérien, « Dersou Ouzala » est un hommage à la nature et la plus belle œuvre qu’il m’ait été donnée de voir sur l’amitié. Je profite d'une sortie en salle pour revisionner ce chef-d’œuvre.
L'homme est trop faible devant la grandeur de la nature.
Le film démarre en 1910: Vladimir Arseniev est à la recherche de la tombe de son ami Dersou Ouzala. Il se remémore la rencontre avec ce petit homme Golde lors d'une expédition. Au départ moqué par le régiment, seul Vladimir voit rapidement en Dersou une "belle âme" à qui faire confiance pour l'aider à surmonter la rudesse de la taïga. Il y a pourtant dans la première partie du film une opposition entre l'esprit scientifique de Vladimir et celui plus mystique de Dersou dans leur manière d'affronter la nature indomptable. Mais il se forme rapidement une alliance entre eux qui, ultimement, voit la victoire de la modernité pour l'apprivoiser. Les premières images montrent la construction d'une petite ville dans ces endroits reculés, et la fin du film présente Dersou comme déboussolé par le développement moderne. Il ne connaît pas son âge et sa famille est morte de la variole. Devenu malvoyant avec la vieillesse, il perd aussi sa place dans la nature qu'il a dompté et ne peut plus y survivre. Accueilli en ville dans la maison de Vladimir, il dépérit et l'implore de le laisser retourner dans la taïga. Vladimir finit par le laisser partir en lui offrant son plus beau fusil. Quelques jours après, un télégraphe lui apprend que Dersou a été abattu.
Il m'a plusieurs fois sauvé la vie. (Vladimir).
Dersou ne me l'a jamais raconté. (Vova)
Pour lui, c'est chose naturelle. La plupart des gens aiment se vanter en exagérant leurs exploits. (Vladimir)
En revisionnant le film j'ai été surpris par sa lenteur, ce qui m'avait moins dérangé lors de mon premier visionnage. Kurosawa nous invite à contempler la nature sauvage et prendre le temps de s'en immerger. Je pensais que cette nouvelle sortie aurait l'aurait aussi sublimée, mais le grain du film est resté le même. Ce film reste pour autant une ode à la vie, l'amitié et à la nature qui voit le réalisateur japonais sortir de la torpeur. Je n'avais pas mesuré aussi à quel point ce film était porté par des acteurs exceptionnels qui donnent de la force à leur personnage. Malgré certaines longueurs, "Dersou Ouzala" est un chef-d’œuvre humaniste qui reste en très bonne place dans mon panthéon personnel.