Petit Rouge

Finnegans Wake - James Joyce

23/03/2024

TAGS: joyce, roman

J’aborde cette lecture avec beaucoup d’appréhension. Je sais qu’il me faudra du courage pour aller au bout. « Ulysses » que j’ai lu en anglais il y a longtemps avait déjà été une épreuve, même si j’en comprenais un peu la teneur à l’aide d’analyses annexes. Le livre trônait dans ma bibliothèque en attente d’être combattu.

The first thing to say about Finnegans Wake is that it is, in an important sense, unreadable. (Seamus Deane)

Le préfacier met déjà en garde quant à l'ennui potentiel que provoquera ce roman. Il conçoit aussi que cette lecture d’initié n’est canonisée que par des universitaires, et non pas des lecteurs lambda. Ce roman s'inscrit dans un contexte irlandais d'émancipation: avec le Sinn Féin en particulier, ce pays s’affranchit de l’empire Britannique pour ensuite subir le joug de l’église Romane.

Sexcaliber hrosspower.

Joyce aura mis 22 ans à écrire ce livre « traduit de l’anglais ». Comme s’il l'écrivait parfois avec l'accent irlandais. Ça m’a un peu fait penser au Céline de « Guignol’s band ». En beaucoup plus incompréhensible: Finnegans Wake est une énigme. Est-ce une retranscription de la psyché excentrique de Joyce ? C’est un obscurcissement narratif, une prolifération linguistique: le roman contient des néologismes incessants qui servent précisément à l’histoire et la retranscription narrative, mais bien trop complexes pour fluidifier la lecture. On a l’impression de lire un nouveau langage, avec des jeux de mots, souvent sous forme de coq-à-l’âne. Parfois des contrepèteries de des mots valise. Car il y a en plus le fameux flux de conscience qui a pointé le bout de son nez avec le « Portrait de l’artiste en jeune homme » et qui s’est matérialisé dans « Ulysse ». Comme s’il y avait un mot unique par situation. Les mots pris de manière unitaires font sens, les phrases déjà beaucoup moins, et les paragraphes inexistants font que la lecture des chapitres est incompréhensible dans sa totalité. Joyce a écrit l’ultime abstraction littéraire.

But, their bright little contemporaries notwithstanding, on the morrowing morn of the suicidal murder of the unrescued expatriate, aslike as asnake comes sliduant down that oaktree onto the duke of beavers, (you may have seen some liquidamber exude exotic from a balsam poplar at Parteen-a-lax Limestone. Road and cried Abies Magnifica! not, noble fir?) a quarter of nine, imploring his resipiency, saw the infallible spike of smoke's jutstiff punctual from the seventh gable of our Quintus Centimachus' porphyroid buttertower and then thirsty p.m. with oaths upon his lastingness (En caecos harauspices! Annos longos patimur!) the lamps of maintenance, beaconsfarafield innerhalf the zuggurat, all brevetnamed, the wasting wyvern, the tawny of his mane, the swinglowswaying bluepaw, the outstanding man, the lolllike lady, being litten for the long (O land, how long!) lifesnight, with suffusion of fineglass transom and leadlight panes.

Quasiment tout le livre est écrit sous la forme de logorrhée. Je choisis une citation. Mais ça pourrait être n’importe quelle autre phrase du roman. Je l’ai lu en prenant mon temps. Il est apparemment basé sur la philosophie cyclique de l’histoire théorisée par Giambattista Vico, où les civilisations naissent du chaos pour parvenir à l’harmonie en passant par différentes phases de développement. La première phrase commence sur la dernière page ou la dernière phrase se termine sur la première page, faisant ainsi du livre un cycle calqué sur cette philosophie. Du coup j’attendais que le chaos des premières pages s’harmonise pour devenir plus lisible en cours de lecture. Je me suis obstiné à avancer dans cette lecture, juste pour dire que je suis allé au bout de cet ouvrage illisible. A qui s'adresse ce roman ? Pas à moi qui ne suis pas assez obstiné ni au fait des techniques littéraires. Même si je doute qu'un érudit puisse le comprendre aussi. Inévitablement inachevé.