Petit Rouge

Daaaaaali ! - Quentin Dupieux

26/02/2024

TAGS: dupieux, cinéma

Une journaliste rencontre Salvador Dali à plusieurs reprises pour un projet de documentaire. Elle doit reporter ses entrevues, qui sont constamment avortées à cause de la personnalité fantasque de Dali. J'y ai rapidement vu un appel du pied à Buñuel et "Le Charme discret de la bourgeoisie", où les protagonistes bourgeois n'arrivent pas à achever leur diner mondain. L’inachevé est donc au cœur du film: est-ce que Quentin Dupieux souhaite interroger le spectateur sur la limite du travail artistique, en l'invitant à se poser la question de savoir quand est-ce qu'une œuvre peut-elle être considérée achevée ? Je ne crois pas Dupieux assez malin pour poser sérieusement cette question. J’y vois surtout un film de potes, où Edouard Baer, Jonathan Cohen, Gilles Lellouche, Pio Marmaï et Didier Flamand interprètent tour à tour le célèbre peintre catalan.

Au delà de l'hommage à Dali, j'y ai donc surtout vu un pastiche du cinéma de Buñuel, auquel Dupieux fait plus que des rappels. Ce serait même presque du plagiat à ce niveau là, tellement c'est évident. Le prêtre convié au repas organisé par le voisin de Dali raconte son rêve de la même manière que dans le film cité plus haut, en plus d'être habillé de manière quasi identique. Bien que plus loufoque, il y a dans l'usage massifs des rêves imbriqués une appropriation du concept clé du film de Buñuel. Et le festival de mises en abîme, poussé à son paroxysme, rappelle aussi "L’antre de la folie" de Carpenter. Ce film se veut aussi extravagant que la personnalité même de Dali: il y a ce ton absurde si caractéristique de Dupieux qui sied bien à l’hommage. J'ai trouvé que le réalisateur avait été inspiré en utilisant différents acteurs pour jouer Dali: cela lui permet de mettre en avant les multiples facettes du personnage, même si c’est aussi un peu facile.

Le film de Dupieux n’est pas un biopic. C’est plus ambitieux, même si j'ai trouvé les références vraiment grossières. Le film est de plus relativement court, ce qui est bienvenu. Je ne me suis pas esclaffé de rire, même si le réalisateur stakhanoviste réussit néanmoins à arracher quelques sourires. On n’apprendra donc rien sur Dali, hormis son énorme boulard, ce qui à mon sens rend le film vraiment trop léger. Dupieux gratte juste à la surface l'actualité et l'intemporalité de l’œuvre de Dali à travers le film de la journaliste, qui vise à le canoniser. Avec cette interprétation personnelle de la vie l'artiste, aussi surréaliste que ses peintures, Dupieux manque le coche. Seule l'évocation du vieillissement et la sénilité ou démence de Dali, trop rapidement expédiée, aurait pu donner de la profondeur à ce film.

Bien qu'enthousiasmé en sortie de séance, je trouve a posteriori que le film est bâclé. J'avais arrêté de suivre le parcours de Dupieux, qui à mon sens devait davantage prendre le temps de peaufiner ses films. Cela n'a pas tellement changé depuis. Le ton absurde qui le caractérise n'est plus aussi rafraichissant qu'à ses débuts: Dupieux tourne en rond et finit presque par lasser. J'ai apprécié le jeu d'acteur, même s'il était aussi très inégal selon l'interprète de Dali: Marmaï et Lellouche ont parfois manqué de présence à l’écran. Le thème récurrent de Thomas Bangalter reste en tête, et sied bien à l’ensemble. Je suis donc très mitigé au sujet de ce film, qui ne tient malheureusement pas ses promesses.