La montée du populisme de droite en Europe doit être comprise comme une réaction à l'absence radicale de perspectives dans un monde dont les frontières et les fondements ont été ébranlés.
Beck énonce d'emblée la problématique de l'essai: quelles sont les raisons qui expliquent que les fondements du monde ont changé ? L'avant propos lui permet de constater l’émergence du populisme de droite, notamment en Europe. Beck ne nie pas les incohérences des sociétés actuelles. Il ne conteste pas non plus le mécontentement grandissant des populations. Il observe que l’extrême-droite a un boulevard pour propager ses idées obscurantistes à l’heure de la mondialisation, moment de transformation historique inédit dans l'histoire de nos civilisations.
Ceux que nous avons élus n'ont aucun pouvoir. Et ceux qui ont le pouvoir, nous ne les avons pas élus. (Banderole de manifestant)
La proposition de Beck pour contrer les processus anarchiques consécutifs à la mondialisation vient du concept cosmopolitique. J’ai eu un peu peur de ce mot précis, qui me semble avoir été largement détourné de son sens initial suite à une récupération des identitaires, mais qui semble pourtant repris d'un concept de Diogène de Sinope (en grec ancien, cosmos signifie l'univers, et politês le citoyen). Employé par Beck comme réponse à la survie de la civilisation, il l’explique ainsi:
L'optique cosmopolitique associe donc le respect pour la dignité de ceux dont la culture est autre avec le souci de la survie de chaque individu. En d'autres termes, le cosmopolitisme est la prochaine grande idée qui succédera à celles, trop usées par l'Histoire, de nationalisme, de communisme, de socialisme, de néolibéralisme, et il se pourrait que cette idée rende possible l'improbable, c'est-à-dire qu'elle permette à l'humanité de survivre au XXI° siècle sans sombrer à nouveau dans la barbarie.
Beck enchaîne ensuite sur l'énumération des différents contre-pouvoirs qui s'exercent dans un contexte mondialisé. Le contre-pouvoir s'exprime différemment selon le point de vue. Je retiens en particulier le contre-pouvoir civil, où les travailleurs peuvent cesser de travailler, par exemple par la grève. Et par antagonisme le contre-pouvoir du capital, notamment à travers le licenciement. À l’heure de la mondialisation, c’est la crainte d’une délocalisation qui prime. Le travailleur peut quant à lui refuser d’être un consommateur, surtout si le pouvoir d’achat ne permet plus d’acheter. Beck aborde aussi l'émergence de groupes terroristes comme nouveaux acteurs mondiaux.
Mais au final qui décide des règles du jeu ? C'est la question cruciale de l'essai. Au vu de la multiplicité des acteurs et des forces mises en jeu, la tâche de Beck apparaît complexe. Car il y eu des mutations, des passations ou des évolutions de pouvoir. Les armées n’ont par exemple plus trop d'impact aujourd'hui pour contrôler les populations: ce point tient davantage à l’attractivité économique des pays sur le marché mondial. L’autorité de l’état en devient presque caduque. On comprend mieux la position des libéraux en faveur de la mondialisation sous cet angle: elle est une domination sans armée. Il reste cependant un impérialisme des états, réalisé via l’instrumentalisation des droits de l’homme à des fins hégémonistes.
Les États ont des racines, et les investisseurs des ailes.
On voit poindre l’argument fédéraliste lorsque Beck incite les États à se calquer sur le modèle des entreprises en étendant leurs activités étatistes au delà des frontières nationales. Cela semble être l’alternative à l’impérialisme militariste qui engendre le colonialisme. Il définit plus loin l'état cosmopolitique en ces termes:
L'« État cosmopolitique » est une réponse politique à la mondialisation. Il est fondé sur le principe d'indifférence nationale de l'État et permet la cohabitation des identités nationales grâce au principe de tolérance constitutionnelle.
Le frontières nationales ont encore cet intérêt qu’elle limitent la fuite des cerveaux sur le plan du travail. Mais elles ne suffisent pas à empêcher les multinationales de coopérer entre elles hors du droit de l’état. C'est à partir de cet instant que j'ai commencé à décrocher dans ma lecture. Je n'y ai vu qu'un verbiage économiste, scandé à de nombreuses reprises, qui explique que j’ai largement survolé la deuxième moitié de l'ouvrage, notamment tout ce qui concerne les stratégies du capital et des états. Est-ce que cet essai de 2002 est toujours d’actualité ? Oui et non. Il y a dans la défense du cosmopolitisme une urgence à l’heure du nationalisme grandissant. Mais il y a aussi ce transnationalisme promu par l'auteur qui amène à la gouvernance mondiale. Beck, décédé en 2015, était étatiste et prônait l'existence d'une entité politique supra-nationale, ce qui ne me plait guère. J’ai l’impression que le développement local égalitaire n’y a pas toute sa place. J'ai donc inachevé cette lecture, que je n'ai pas trouvé pertinente à bien des égards.