Petit Rouge

25 histoires d'un monde en 4 dimensions - Leiji Matsumoto

24/11/2023

TAGS: matsumoto, manga, bd, sci-fi

Ce recueil d'histoires courtes datant de la fin de années 1960 relate de la période shojo de Matsumoto, c’est-à-dire destinées à un public féminin. Les personnages principaux de chaque histoire sont une variation autour du même jeune homme blond, souvent pathétiques face à l'amour illusoire ou impossible pour une femme parfaitisée. On retrouve parmi eux des dessinateurs fauchés, des génies incompris ou d'autres variations sur la figure de l'antihéros dont les sentiments amoureux sont ultimement contrariés par leur condition. Ils doivent tous assumer leur différence et avancer sans elles, avec l'abnégation du héros si caractéristique de Matsumoto.

Mais je ne peux pas consacrer mon temps à ton rêve. Tu comprends ? Les femmes ont aussi leur mot à dire. (Phélas)

Chez Matsumoto, la beauté des femmes est présentée comme un fardeau pour elles. Le caractère éphémère de leur beauté vient ternir leur vie dans le développement de ces histoires. Les histoires de ce recueil racontent la plupart du temps l'amour frustré du jeune homme blond envers une femme blonde elle aussi, mais plus âgée ou de race différente. L'auteur développe en particulier son intérêt pour les insectes de toutes sortes. Il y a dans ce recueil toute une série d'histoires où les protagonistes sont des guêpes, des abeilles, des scarabées ou des araignées. Je commençais à m'en lasser quand les histoires avec des humains sont réapparues. Mais même celles-ci comprennent parfois des êtres humanoïdes aux apparences d’insectes.

Nos descendants seront minuscules et ils ramperont dans l’ombre des arbres… vous ne saurez jamais que ces insectes ont autrefois bâti la première grande civilisation de cette planète.

Matsumoto se met lui-même en abime: on le retrouve mentionné dans certaines de ses histoires. Il a cette conscience écologique si japonaise, qui est plus développée chez Miyazaki, mais qu'il exprime d'une manière si singulière. Elle semble prendre comme point de départ une catastrophe inéluctable, qui doit probablement beaucoup au drame des bombes nucléaires à la fin de la seconde guerre mondiale. Mélange étonnant de science-fiction et d’ôde à la nature, et particulièrement aux insectes comme on l'a vu, il y a aussi, et très bizarrement, une fascination pour les armes, les avions de chasse ou les cuirassés. Ce qui me perturbe un peu dans mon appréciation.

Été 70… le temps ne s’arrête jamais.

Le temps est donc la quatrième dimension du titre de ce recueil. Matsumoto illustre différentes temporalités: celui infinitésimal des insectes jusqu'à celui infini du cosmos. Et par là-même, on aperçoit chez lui la palette majestueuse des nombreux décors qui s'y mélangent. Des détails les plus fins de la nature, à ceux de l'univers.

Je suis sûr que la femme au visage pâle et les abeilles dorées porteuses de rêves vivent encore quelque part.

Il y a de la poésie dans ces récits teintés de nostalgie, quelque chose qui peut toucher tous les lecteurs de shojo. L'univers de Matsumoto est intrigant: il propose un pot-pourri de genres qui s'entremêlent. De la science-fiction à la romance, en passant par la fable écologique. Malgré le fait que j'ai eu du mal à arriver au bout de ces 376 pages, tant j'ai eu le sentiment de relire constamment la même histoire, je reconnais à Leiji Matsumoto du talent et un univers bien à lui qui justifient sa canonisation en tant qu'artiste international de renom.