Petit Rouge

Creuser Voguer - Delphine Panique

09/10/2023

TAGS: panique, bd, social

L’autrice part d’un voyage à la rencontre de migrants Afrique de l’Ouest pour la réalisation d'une bande dessinée. Mais prenant le contrepied de ce qu’on attend d’elle, à savoir produire un documentaire "sur le réel", elle imagine dix métiers imaginaires basés sur ces rencontres. Cette pirouette permet à Delphine Panique de proposer une version très personnelle de ce voyage, et de refuser les règles trop convenues attendues par les auteurs indépendants. J'ai trouvé cette approche très intéressante et me suis rapidement plongé dans cet imaginaire foisonnant.

« Le lac gelé » est la première histoire et raconte l’histoire de travailleurs dont la mission et de pêcher le barbe. Le protagoniste principal est une mère célibataire, aussi précaire que les autres. On retrouvera ce schéma dans les dix histoires de cet album: à savoir une femme, parfois mère, qui n'a pas d'autre choix que d'abandonner les siens temporairement histoire de gagner le salaire de misère nécessaire pour les aider.

La pêche au feu. Il faut des années d’entraînement pour plonger la torche dans l’eau sans l’éteindre.

Caresser les mognoles. Dresser le gori. Extraire le ploiron. Autant de boulots absurdes qui aliènent des travailleurs souvent désespérés et acculés par la misère. Delphine Panique questionne nos habitudes occidentales modernes privilégiées. Notre obsession pour les écrans, l’alcool, les bibelots et gadgets électroniques futiles... Des vies toutes aussi aliénées mais fondamentalement différentes de celles de ces travailleurs précaires qui n'ont pas le luxe d'avoir le choix. L'autrice se moque des besoins farfelus des riches, qui génèrent sans le savoir ces métiers absurdes. C'est très malin de sa part de les imaginer ainsi, à une époque où les métiers à la con imaginés par des commerciaux cupides sont légion (est-ce le propos de Graeber dans "Bullshit Jobs" ?). Panique pointe très justement du doigt l'absurdité de la situation à travers ces métiers qui le sont tout autant. Elle achève le recueil par une histoire de révolte féministe, à travers l'histoire de midinettes qui organisent une série de grèves pour améliorer leur sort. En refusant ces métiers stupides, l'autrice met en lumière les avancées sociales dont ces femmes travailleuses ont œuvré pour.

J'ai trouvé le ton de ces histoires amusant. Il y a une finesse dans le propos, avec une touche de poésie, qui rend l’ensemble très sympathique. Par contre on dirait que ça a été dessiné à l’arrache par un enfant de quatre ans. Il y a malgré tout une ingéniosité dans ce dessin minimaliste: Delphine Panique arrive parfois très bien à décrire certaines scènes de vie avec quelque lignes ou figures géométriques seulement. Mais je trouve le dessin souvent trop facile, trop simpliste. Au final je trouve cette bande dessinée très bien scénarisée, mais à la limite du foutage de gueule tellement certains dessins semblent bâclés.