Adaptation sous forme illustrée d'une pièce de théâtre intitulée "Hana" (fleur en japonais), création de la troupe Kuro Tento, ce manga décrit un futur où la civilisation a été remplacée par des sociétés chamaniques. Un peuple en particulier vit ses rites au cœur des montagnes au rythme des saisons. Deux clans sont chargés d'exécuter des danses sacrées pour invoquer la bénédiction des esprits de la nature. Le premier clan des sculpteurs, associé aux fleurs, est chargé de concevoir les masques indispensables aux danses réalisées par le clan des danseurs, associés eux aux oiseaux. Yuri et Tsubaki, les deux fils du sculpteur vieillissant Kiku sont pressentis pour prendre sa relève. Mais les danseurs dénigrent le travail de sculpture de Tsubaki au profit de celui de Yuri. Ce dernier, plus en phase avec les esprits, semble mû par un mysticisme qui va le pousser à s'affranchir du clan. On suit au rythme des quatre saisons son éveil, jusqu'à son départ effectif du clan.
C'est ma première lecture de Taiyô Matsumoto, auteur dont j’ai beaucoup entendu parler, en particulier via Hellen Jo. Je suis passé à côté d'Amer Béton pendant de nombreuses années. Je savais que j'accrocherais bien le style graphique, réaliste dans sa description des asiatiques, mais il me restait à me faire une idée des scenarii. Et c'est chose faite avec cet ouvrage plus confidentiel, qui m'a beaucoup plu.
Une porte ne sert pas qu’à s’enfermer… elle peut aussi conduire vers l'extérieur… (Kiku)
J’aime assez ces bandes dessinées qui restent cryptique. Cela appelle plusieurs lectures. Contrairement à l’art contemporain, le postulat postmoderne qui suppose que l'artiste délaisse au spectateur l'entière interprétation de son œuvre ne me gêne pas en bande dessinée car le talent pictural me semble plus directement palpable. Ce qui est le cas ici. Et il y a une poésie dans ce présent récit qui me touche. Le style de Matsumoto est magistral, il y a de très belles idées de narration graphique dans cette courte bande dessinée.
Mais je reconnais que l'ouvrage est un peu léger. Malgré le fait que ce futur chamanique est par défaut impénétrable, ce que je trouve intelligent pour inviter à des relectures, je dois reconnaitre que le développement psychologique des personnages n'est pas assez étoffé. Un aussi court ouvrage ne laisse pas le temps de comprendre l'opposition entre Yuri et Tsubaki, ni les raisons de la défiance des danseurs envers ce dernier.
Cela ne me refroidit pourtant pas dans ma volonté de continuer à explorer l’œuvre de cet auteur résolument singulier dans le paysage du manga. Je ne sais pas encore si je garderai longtemps ce très bel ouvrage, mais je vais assurément le relire pour m'imprégner davantage des détails qui m'auraient échappé pour le comprendre pleinement.