Petit Rouge

Hypericon - Manuele Fior

05/07/2023

TAGS: fior, bd

Teresa, étudiante en archéologie spécialisée en égyptologie, débarque à Berlin en 1998 pour organiser une exposition sur la découverte du tombeau de Toutankhamon. Elle rencontre Ruben, un jeune Italien désœuvré et vaguement punk, avec qui elle vit une histoire d'amour passionnée. Grande insomniaque, elle passe ses nuits à dévorer le journal d'Howard Carter, archéologue ayant découvert le tombeau du pharaon. Cette bande dessinée de l'auteur italien Manuele Fior passe en revue la fin de siècle dans cette ville dynamique qu'est Berlin, avec en filigrane des fragments de la découverte de Carter. L'hypéricon, qui donne le titre de l'album, est une plante médicinale proche du millepertuis qui aidera Teresa à mieux vivre ses insomnies.

J'ai trouvé cet ouvrage très abouti graphiquement, avec des partis pris en termes de couleurs très vifs, notamment lors des passages en Égypte. Les entrelacements entre le récit de Carter et les fragments de vie de Teresa permettent à l'auteur d'aérer son récit et de décrire les phases de vie de la jeune femme sous le prisme de la découverte. En effet, tout comme Howard Carter découvre progressivement le tombeau de Toutankhamon, Teresa apprend progressivement la vie et l'amour au contact de Ruben. Elle lâche prise par rapport à son obsession sur l’Égypte au profit de davantage de légèreté dans sa manière d'aborder la vie. Minée par l'insomnie, elle finit par se laisser convaincre par Ruben d'essayer les vertus thérapeutiques du millepertuis pour atténuer ses crises. Teresa semble au final délaisser cette lecture pour vivre pleinement sa vie.

Il y a chez Fior une certaine idée de l'érotisme représenté de manière graphique comme je l'ai beaucoup vu chez les auteurs italiens. "Hypericon" est une très belle surprise à laquelle je ne m'attendais pas. Bien que l'érotisme du récit me soit apparu parfois un peu trop explicite et grossier, il y a pourtant beaucoup de finesse dans ce récit presque initiatique proposé par l'auteur. Les enchevêtrements de deux récits avec différentes temporalités apportent à mon sens beaucoup pour la compréhension de l’œuvre. La manière dont Fior dessine et scénarise des fragments de vie parfois insouciants, parfois dramatiques, m'a séduit. L’œuvre s'achève au début du siècle suivant, par les images choquantes de l'attaque du 11 septembre 2001, comme pour suggérer au lecteur que les instants de vie et d'amour innocents vécus par Teresa et Ruben prennent fin en même temps que le siècle précédent. Je compte me pencher davantage sur les autres ouvrages de cet auteur que je ne connaissais pas.