J’avais lu et bien aimé la série de bande dessinée "Bienvenue" scénarisée par Marguerite Abouet. La série "Aya de Yopougon" semblait plus personnelle puisque la scénariste est comme son héroïne Aya, née à Yopougon, un quartier d'Abidjan. Est-ce une des raisons de son plébiscite par le grand public ?
Comme dit notre président Houphouët: pas besoin d’eau potable pour éteindre l’incendie
L'histoire se déroule donc en Côte-d'Ivoire, dans un quartier populaire où Aya et ses copines Adjoua et Bintou passent à l'age adulte. C'est le temps des premiers amours, et Adjoua tombe enceinte. Par une magouille, elle se marie avec Moussa, le fils d'un grand patron de brasserie, Bonaventure Sissoko. Mais Moussa ne s'avère pas être le père et elle se fait démasquer. Les intrigues suivantes de la série sont presque toutes initiées par des motifs sexuels ou amoureux.
Ouiii. Je ne vis pas loin: présentement à Château Rouge. C’est le quartier le plus chic de Paris
Mais bien sûr ! L'idéal français est souvent rapporté dans la série: ce pays symbolise pour les ivoiriens la richesse et la réussite sociale. Innocent, le coiffeur homosexuel de Yopougon s'y exile à cause de sa sexualité, mal vue à Yopougon. Il réalise très vite que la vie est rude pour un africain immigré à Paris. Mais il fait la rencontre de Sébastien dont il tombe amoureux, ce qui lui évite de fâcheuses galères de travail et de logement.
Et si tu n’arrives pas, là. Elle va se trouver un petit pompier qui va lui éteindre le feu
Aya est le trait d'union entre tous les protagonistes. Elle sacrifie sont temps et son énergie aux autres, comme le personnage de Bienvenue dans une autre série d'Abouet. Et cela au détriment de son avancement personnel, elle qui souhaite sérieusement démarrer des études de médecine contre l'avis de son père. Elle représente le sérieux, l'indépendance et le bon sens, valeurs qui semblent souvent déficitaires dans son entourage.
Retenir ses excréments dans le ventre n’est pas un remède contre la faim
La série se termine abruptement au tome 6. Le tome 7 sorti en 2022, soit 12 ans après le tome précédent, reprend les aventures d'Aya et de ses amis . On remarque tout de suite que le dessin a évolué. Il m'est apparu plus lisible, les personnages me sont apparus plus distincts et identifiables. Il y a néanmoins un côté série telenovela qui à la longue a commencé à m'agacer. J'aime bien les séries achevées, et même si j'ai davantage apprécié le dessin dans ce tome, je me suis demandé si la série ne commençait pas à tourner un peu en rond.
Bien qu'il soit difficile de s'immerger au début de la série, on finit par se prendre au jeu. Les protagonistes sont attachants et les expressions locales sont croustillantes. Il y a quelque chose d'intrigant dans ces proverbes que je n'ai jamais vus en France. Le succès de cette série tient de plus à un solide développement psychologique des personnages. Bintou est gouailleuse, Adjoua est un peu bête et Aya est dévouée et impliquée. Les personnages masculins semblent plus frivoles, plus idiots que les femmes qui gèrent la maison et la vie de famille. Il y a un parti pris progressiste qui est rafraichissant. En abordant l'homosexualité et l’impossible acceptation des proches ou la place de la femme dans la société ivoirienne, Abouet propose une série très sympathique qui a souvent réussi à me faire rire.