Petit Rouge

Vernon Subutex T2 - Virginie Despentes

08/01/2023

TAGS: despentes, roman, social

Le deuxième tome démarre quelque jours après la fin du premier: on y suit le quotidien de SDF de Vernon. Affaibli par la rue, il tente difficilement de survivre en plein cœur de Paris. Ses amis sont à sa recherche.

Mais les mecs sont devenus tous identiques, on dirait qu’ils prennent des cours du soir pour se ressembler le plus possible. Si on ouvrait le cerveau de Laurent en deux pour lui regarder la mécanique, on y trouverait exactement le même arsenal de conneries que dans celui du cadre sup en détresse qui fait ses abdos à côté d’eux : des petites poulettes ultra light, de la verroterie Rolex et une grosse maison sur la plage. Que des rêves de connard. (Charles)

On suit les ruminations des amis de Vernon. Leur vie n’est pas parfaite. Il y a toujours un problème chez eux, un dysfonctionnement interne. Le pessimisme de Despentes parle à travers eux. Charles a gagné au loto, mais ça ne le rend pas plus heureux. Emilie souffre de solitude affective. Patrice rumine la société. On retrouve du coup la même écriture basée sur de la punchline extrêmement cynique. Peut-être un peu trop. Je n’avais pas été aussi marqué par sa noirceur dans le premier tome.

 Emilie lui fait de la peine. Il est désolé pour elle que les hommes soient à ce point dégoûtés par les femmes de son âge. Patrice voit ça comme ça : la quarantaine, c’est rédhibitoire. Des filles qui lui rappellent sa mère, il ne peut pas penser à les fourrer. (Patrice)

Les amis de Vernon finissent par le retrouver, grâce à ses nouveaux potes clochards. La Hyène a récupéré les cassettes testamentaires de Alex Bleach. Elle amène tout le petit monde chez elle pour les visionner. Ils apprennent que Vodka Satana, amante de Bleach, a servi d'esclave sexuelle pour des gens de la haute avant de se donner la mort par overdose. Ce suicide est évidemment contesté par les amis de Subutex.

Aujourd’hui, c’est ça le mantra national : gloire au plus dément, honneur au plus brutal. Et les femmes sont les premières d’accord avec ça. Elles n’aiment pas les hommes sensibles. Elles veulent de la torgnole, de la poigne, du mec en marcel qui leur demande ce qu’on mange ce soir en rotant devant la télé. (Selim)

Aïcha se rebelle contre l’injustice subie par sa mère. Elle sympathise avec Céleste, la tatoueuse serveuse du Rosa Bonheur. Elles se vengent contre les hommes, dont Antoine, le fils du producteur Laurent Dopalet, dernier amant connu de Vodka Satana.

Elles ont intériorisé l’idée même de leur infamie. Leur unique rédemption vient de la maternité, et elles se mettent dans cette position délicate : pour se faire épouser, il faut bien être séduisante, ce qui les place dans la position de pute. Et pour se faire engrosser, il faut bien écarter les cuisses, ce qui n’arrange pas leurs affaires. (Antoine)

Antoine Dopalet est lucide sur les vices bourgeois. Issu d’une famille dysfonctionnelle et légèrement autiste, Despentes s’en donne à cœur joie pour étriller la bourgeoisie des arts et médias.

Un jour on pensera à ce Paris cosmopolite du début du troisième millénaire comme à une Babylone insensée, et on aura du mal à se représenter autant de gens différents ayant réussi à vivre ensemble dans une paix bien réelle. (Gaëlle)

Laurent Dopalet, suspecté par Bleach dans la mort de Vodka Satana, se fait séquestrer chez lui par Aïcha et son amie. J’ai trouvé cet élément d’intrigue trop gros, mal amené. Il y a une puérilité dans la vengeance qui me rappelle « Baise Moi » et qui m'est apparue bien lourde.

Elle n’a jamais été monogame. C’est bon pour les moches, ça. (Gaëlle)

Le groupe de Vernon finit par former une sorte de ZAD. J'ai trouvé cette issue peu crédible. J'ai donc été très déçu par ce deuxième tome. Despentes effectue un retour en arrière sur une jeunesse qui a mal vieillie. Qui est aigrie et se juge. Il y a un petit côté « The Wire » à la française, un tour d’horizon de tous les corps sociaux du pays: les enseignants, les personnes à la rue. Et l’aisance d’écriture de Despentes lui permet de jongler facilement entre les différents points de vue. Elle propose au lecteur différentes perceptions des événements en fonction du narrateur. Mais encore une fois il y a davantage d'amertume dans ce tome, et cela m'a déçu car elle m'a rappelée celle de Houellebecq et de tous ces pessimistes à la con qui se regardent le nombril.