Petit Rouge

Lune l'envers - Blutch

03/11/2022

TAGS: blutch, bd

Ce qui est en train de se passer n’est pas réel... (Lantz)

Lantz est un dessinateur de bande dessinée qui a repris la série à succès "Le Nouveau Nouveau Testament", sur laquelle repose toute l'économie. En manque d'inspiration et refusant de se plier aux méthodes de conception de bande dessinées modernes (des machins organiques dont le fonctionnement échappe à tout le monde), il est brutalement débarqué de sa série. Déboussolé, il va tenter de trouver un sens à son existence en se débattant contre ses frustrations.

Blutch décrit un monde futuriste qui ressemble vaguement à une distorsion des années 70. Ce dernier point s’observe dans le choix des couleurs, avec des tons pastels presque daltoniens. Il s'agit, selon Blutch lui-même, d'un ouvrage de SF, où SF signifierait plutôt "Science Fantasmatique". Les personnages "vivent et meurent dans un monde où l’on ne sait pourquoi on travaille, ni même ce qu’il advient du produit de ce travail. Ce monde est celui des animaux humains" (Blutch, Le Monde Diplomatique).

L'histoire débute avec Liebling, une jeune femme libre qui produit un art plus transgressif que celui en vigueur dans le monde décrit par Blutch. Elle entretient une liaison avec un Lantz jeune de vingt ans. Le récit semble plein de flashbacks d'un passé où ils étaient plus insouciants, avant que Lantz perde peu à peu le contrôle de sa vie. Contrainte de reprendre le Nouveau Nouveau Testament, Liebling s'affranchit de Lantz et finit par plongee une capsule de cyanure dans la bouche de Lantz.

Cet ouvrage est complètement absurde, surréaliste. Dans cet univers les taxis sont des troncs d'arbre qui surgissent de nulle part. Winnetou la squaw est l'amante de Lantz, directement échappée de l'enfance de Blutch décrite dans "Le Petit Christian". Il y a dans cet ouvrage une mise en abime de Blutch lui-même en personnage fictif. Le dessin est maitrisé, comme d'habitude, mais dans un format plus conventionnel, moins expérimental que dans "Mitchum". Le récit est par contre plus délirant que dans les ouvrages précédents de Blutch: on dirait un croisement entre la période Fluide Glacial et "Vitesse Moderne". Blutch semble ici questionner davantage la société, en poussant à l'extrême son absurdité. Le travail n'a plus aucun sens, l'économie globale repose intégralement sur un divertissement et les femmes sont comme rabaissées par des hommes tout puissants.

Encore une réussite. Génial à tout point de vue.