"Livret de phamille" part d'une bonne intention: je n'avais encore jamais lu de bande dessinée sur la vie de famille. Les petits détails du quotidien racontés par le père de trois filles qui grandissent dans une famille, avec ses joies et ses peines. Jean-Christophe Menu évoque la rencontre avec sa compagne, puis la naissance de ses filles. Il raconte comment sa vie d'artiste est chamboulée par sa vie de famille.
Mais rétrospectivement il y a quand même quelque chose qui me gène chez Menu et ce "Livret de phamille". Le dessin me semble trop bâclé pour en faire un livre sérieux à garder en bibliothèque. Même si le fait d'aborder la construction d'une famille en bande dessinée est séduisant, je trouve la forme mal fignolée. Les travers de cette scène "avant-gardiste" sont trop nombreux à mon sens pour s'inscrire dans la durée. Quel est leur apport sur le long terme ?
En privilégiant l'autobiographie pour la fiction, cette génération a proposé un vomi narcissique et égocentrique qui ne me séduit plus aujourd'hui. Certes, il reste des petites fulgurances dans cet ouvrage. Mais elles m'apparaissent insuffisantes dans la globalité. Les cases par exemple sont mal dessinées: est-ce pour suggérer la spontanéité ? La valeur de l'idée, l'intention initiale ? Je trouve cela un peu limite. Pareil pour de nombreuses illustrations qui ressemblent à des brouillons de coin de table. Je comprends que l'expression brute puisse être privilégiée, mais je trouve que négliger la forme ressemble presque à du foutage de gueule, une marque de mépris pour le lecteur qui doit s'acoquiner avec le nombrilisme de l'auteur. Peut-être suis-je trop strict. Mais la banalité de certains sujets traités par Menu n'est que trop rarement sublimée par la maitrise technique. Et d'autres auteurs s'en sont mieux tirés que lui dans le registre autobiographique (par exemple "Le Petit Christian" de Blutch).
J'avais déjà supposé par le passé que Menu était probablement un meilleur maquettiste et éditeur qu'auteur de bande dessinée. Le dessin n'est pas complètement mauvais, mais manque cruellement de rigueur et d'investissement. L'intention n'est pas mauvaise, mais on sent aussi que Menu est toujours au premier plan, que ses "philles" sont davantage les éléments perturbateurs d'une vie autocentrée. Je n'insisterai pas davantage avec l'Association.