Guylaine est vilaine. Et Guylaine ne voit la vie que sous le prisme de la beauté. Elle semble complètement passer à côté du reste. Le dessin de Guillard, parfois volontairement flou, ne donne pourtant pas le sentiment que Guylaine soit particulièrement laide. Elle s'est elle-même construite une prison mentale autour de sa laideur. Il y a donc probablement une distorsion qui s'explique par cette injonction faite aux femmes d'être belles en toutes circonstances. Guylaine manque tout simplement de confiance en elle, car elle s'est faite traiter de moche une seule fois quand elle était jeune. Et cela l'a traumatisée.
En devenant punk puis féministe, Guylaine donne finalement un sens à sa vie. Bégaudeau cite Minor Threat, référence le punk comme un mouvement contestataire mais accueillant, qui aura donné une place à Guylaine (j'ai trouvé ces citations un peu puériles de la part de Bégaudau). Cette dernière vit presque de manière marginale à cause de sa prétendue laideur. Il y a quelque chose qui rappelle le Houellebecq de "Extension du domaine de la lutte", tout aussi déprimant. Et qui m'aura aussi rappelé "Pravda la survireuse" de Peellaert, où le monde moderne ne laisse place qu'aux jeunes et aux beaux.
Bégaudeau écrit très bien, et le dessin de Guillard fait des appels de pied à Blutch. Il y a des phrases chocs, et l'injonction à la beauté pour les femmes est très bien décortiqué. Mais le récit est trop mélancolique et laisse que trop peu de place à l'espoir. Et d'ailleurs, n'est-il pas trop simple de catégoriser les femmes en belles ou moches ? N'est-ce pas tout à fait déprimant ? Bégaudeau a probablement observé les jeunes comme complètement narcissiques, écrasés par le rouleau compresseur d'une société qui glorifie la beauté, en particulier via la publicité. J'ai trouvé que l'album était beaucoup trop binaire sur ce point et manquait parfois de nuance. Mais est-il possible d'être nuancé quand toute la société ne met en avant que les canons de beauté ? J'ai trouvé ce récit intéressant, mais je ne reviendrai probablement pas là-dessus.