Petit Rouge

Capitaine Albator - Leiji Matsumoto

29/08/2022

TAGS: matsumoto, bd, manga

An de grâce 2977... "Lorsque toutes les mers du globe eurent disparu, les hommes pensèrent que la fin du monde était arrivée. Ils s'apitoyèrent sur leur sort, sans même songer à l'espace infini qui s'étendait au-dessus de leur tête... Seule une poignée d'hommes, croyant en l'avenir radieux du genre humain, eurent le courage d'aller explorer la "mer du dessus". Alors, les autres ricanèrent en disant: "ce sont des fous qui courent après un rêve irréalisable." Et nous avons été considérés comme des hors-la-loi..."

J'ai de vagues souvenirs d’enfance du dessin animé. J'étais encore un peu trop jeune pour m'en souvenir pleinement, mais j'ai vu l'intégrale en version papier du manga en librairie et j'ai pu me procurer la version numérique, qui fait quand même plus de 1000 pages. Je l'ai donc lue en plusieurs fois.

L'histoire démarre sur Terre, avec le jeune Tadashi Daiba. Son père est assassiné par une femme mystérieuse. La planète bleue fait face à un grave péril: une sphère inconnue issue d’une galaxie mourante s'y est posée. Tadashi rencontre Albator. Désormais orphelin et déçu par l'humanité, le capitaine lui propose de le rejoindre à bord de l'Arcadia.

"Nous avions le pressentiment qu'un jour... La stupide race qui peuple cette planète qu'on appelle la Terre, allait se trouver dans une situation périlleuse. En embarquant tu fais tes adieux à la Terre pour quelque temps. Il n'y a personne que tu veux voir une dernière fois avant de partir ? (Albator) Non, il n'y a plus personne pour qui j'ai de l'estime sur cette planète. (Tadashi)"

Il y a une ambivalence entre mépris et tendresse pour les hommes qui "vivent à genoux": Les Terriens. Albator est un pirate de l'espace, un capitaine à l'apparence dure qui n'en est pourtant pas moins sensible. Il est un homme de valeur qui revendique sa liberté. C'est pour cet idéal qu'il n'hésite pas à sauver des êtres humains bêtes à bouffer du foin, irrécupérables.

"Je ne me bats que pour ce en quoi je crois. Je ne défends personne. Je ne combats que pour ce que j'ai au fond du cœur. J'erre parmi les étoiles... Et les gens m'appellent le Capitaine Albator. Je vis en homme libre dans le sombre océan de l'univers, cette mer sans lendemain, que je parcourrai jusqu'au jour où je rendrai mon dernier souffle. Je vis comme un vrai homme sous ma bannière : la bannière de la liberté ! J'erre parmi les étoiles. Les gens m'appellent le Capitaine Albator... Arborant le drapeau noir, je parcours une mer sans lendemain, et je vis en homme libre sous ma bannière : la bannière de la liberté !"

Albator combat les Sylvidres, des êtres à l'apparence féminine qui meurent en se désintégrant comme de la fumée. Menée par la grande reine Sylvidra, les Sylvidres sont des êtres biologiquement différents des êtres humains. Comme des plantes, sans squelette ni cerveau: des humanoïdes végétaux.

"Les hommes les plus valeureux sont ceux qui ne perdent pas la moindre minute de sommeil." (Albator)

Tadashi réalise que l'Arcadia est une joyeuse anarchie. Tout le manga repose sur des dualités: Albator est dur mais sensible, son équipage oscille entre la fainéantise et l'implication, les Sylvidres sont impitoyables mais pourtant parfois empathique. C'est le cas de Mademoiselle Namino le passager clandestin, qui s'avère être une Sylvidre.

 En avant toutes !! Mes chers compagnons, avançons ensemble vers ces étendues inconnues où nous emmène notre destin.

Albator et son équipage tentent de comprendre pourquoi les Sylvidres existent pour déterminer pourquoi la vie humaine a été créée. Leur enquête les mène jusqu’à Vénus. Ils y découvrent une civilisation lointaine, fossilisée. Sylvidra la reine des Sylvidres apparaît face a Albator et lui propose un arrangement. Ce dernier refuse.

Comme c’est triste de devoir se battre contre ceux que l’on a créées... (Sylvidra)

Tout au long de l'ouvrage se pose la question de savoir qui est l’ordinateur central de l'Arcadia. Et qu'est-il advenu à son créateur, l'ami fidèle du capitaine Albator ? L'acte de création: de vie et d'intelligence, est donc au coeur de cette oeuvre.

Il répétait qu’il s’efforcerait de protéger la race humaine, même si elle n’en valait peut-être pas la peine… (Albator)

Albator est un héros viril, un homme, droit et valeureux. Il est de plus porté par des élans parfois poétiques et ressemble à une figure romantique, dont le regard se perd dans l'espace infini. Matsumoto propose un dessin et une prose gracieuse. Notamment lors de l'épisode de "la pyramide engloutie de la reine endormie", au milieu du triangle du diable.

Je chante pour ceux qui, en serrant les dents, parcourent l’océan de l’espace (Miimé)

Le thème principal de cette œuvre de Matsumoto est l'existence. Pourquoi vivons-nous ? D'où venons-nous ? Le fait qu'il puisse y avoir une race qui ait créé les humains m'a rappelé Prometheus de Ridley Scott. Dans quelle mesure ce dernier a-t-il été inspiré par l'oeuvre de Leiji Matsumoto ?

La fin est malheureusement incompréhensible, car le manga a été inachevé. Mais pourquoi ? Parce que le dessin animé a pris trop de temps à Matsumoto. Je n’en connaîtrai donc pas la fin. Mais il semble qu’Albator gagne à la fin contre les Sylvidres, évidemment.

J'ai donc été très frustré de ne pas connaître la fin de l'histoire. Car je reconnais des qualités indéniables à ce chef-d’œuvre du manga. Le trait de Matsumoto est élégant, l'histoire et les thèmes sont passionnants et portés par une finesse toute japonaise. Albator est surtout un héros charismatique, un homme avec des idéaux forts qui n'aurait tout simplement pas sa place dans la société d'aujourd'hui.