Petit Rouge

Fear and Loathing in Las Vegas - Hunter S. Thompson

13/06/2022

TAGS: thompson, roman, gonzo

We had two bags of grass, seventy-five pellets of mescaline, five sheets of high-powered blotter acid, a salt shaker half full of cocaine, and a whole galaxy of multi-colored uppers, downers, screamers, laughers... and also a quart of tequila, a quart of rum, a case of Budweiser, a pint of raw ether and two dozen amyls.

Je me suis décidé à relire cet ouvrage, que j'avais surtout conservé pour les incroyables illustrations de Ralph Steadman. Je l'avais lu il y a longtemps, à un âge où j'étais encore très influençable et impressionnable. Je me sens bien moins concerné et fasciné par les drogues aujourd'hui, voire même agacé par leur apologie.

Raoul Duke (Hunter S. Thompson) et Dr. Gonzo (Oscar Zeta Acosta) son avocat Samoan doivent rejoindre Las Vegas afin de retrouver le photographe Lacerda pour couvrir une course de moto. Ils errent dans la ville, continuellement drogués, à la recherche du "rêve américain". L'ouvrage démarre sur les chapeaux de roue, et m'a rapidement rappelé la citation rapportée par Guilbaut dans "Comment New York vola l’idée d’art moderne".

L’Amérique est le seul pays au monde qui soit passé de la barbarie à la décadence sans avoir jamais connu la civilisation.

Comment donc Thompson s'y prend pour parvenir à son objectif ? Comment justifie-t-il le fait de vivre drogué dans une ville de fous ?

No, this is not a good town for psychedelic drugs. Reality itself is too twisted.

Il y a donc un décalage total entre le fait d'aller jusqu'à l'extrême limite de la défonce, comme impulsée par une contre-culture qui souhaite libérer les esprits, et la société américaine traditionaliste. Des extraits de journaux de faits divers inquiétants et surréalistes, probablement réels, sont rapportés par Thompson pour illustrer l’état dramatique dans lequel se trouve les États-Unis à la fin des années soixante (l'ouvrage est paru en 1971). On hésite, il y a une ambivalence entre l'usage décomplexé de drogues psychédéliques et sa condamnation, qui n'est vraiment pas évidente dans le roman. Aucune modération n’apparaît ici possible.

Les protagonistes sont ensuite chargés de couvrir une conférence contre la drogue, tenue par des flics. Ces derniers apparaissent à coté de la plaque dans leur compréhension du psychédélisme, mais n'ont-ils finalement pas raison de la condamner compte tenu de la dérive et de son échec ?

Thompson demande à une serveuse où se trouve le rêve américain. Ne comprenant pas le sens de la question, elle s'en remet à son collègue:

Waitress: Hey Lou, you know where the American Dream is?

L'absence totale d'appréciation de l'ironie de la question montre bien que le rêve américain n'existe plus.

But what is sane? Especially here in "our own country" - in this doomstruck era of Nixon. We are all wired into a survival trip now. No more of the speed that fueled the Sixties. Uppers are going out of style. This was the fatal flaw in Tim Leary's trip. He crashed around America selling "consciousness expansion" without ever giving a thought to the grim meat-hook realities that were lying in wait for all the people who took him too seriously. After West Point and the Priesthood, LSD must have seemed entirely logical to him … but there is not much satisfaction in knowing that he blew it very badly for himself, because he took too many others down with him.

Les derniers chapitres sans Dr. Gonzo ressemblent à une descente d'acide. Un dur retour à la réalité. Mais l’annexe montre qu’il ne s’est pas drogué autant que ça à Las Vegas. Probablement une énorme exagération.

I hate to advocate drugs, alcohol, violence or insanity to anyone, but they've always worked for me (Hunter S. Thompson)

"Faites ce que je dis, pas ce que je fais". Cet adage est approprié. A ne pas prendre au premier degré donc. Mais c’est pourtant la lecture courante, l’adaptation cinématographique en atteste. L'absence de pudeur et de retenue de Thompson, malgré les deux niveaux de lecture, ne permet pas d'appréhender et comprendre la subtilité du roman.