Recommandé par un professeur d’économie du master SEND, comme une excellente introduction à cette matière.
Donc, dans l’économie selon Smith, la concurrence obligeait chacun à être honnête. Tout boulanger - qu'il soit saint ou cupide - était guidé, « comme par une main invisible », à vendre son pain au juste prix : assez cher pour payer ses frais et son travail de boulanger, assez bon marché pour que les autres ne lui volent pas ses clients.
La bande dessinée démarre par une mise en lumière du système économique dans lequel nous évoluons: le capitalisme. Elle rappelle la révolution opérée par le libre marché.
En d'autres termes, un libre marché organise les choses de manière bien plus efficace qu'un planificateur humain ne pourrait le faire. Imaginez un planificateur qui tenterait d'organiser l’approvisionnement de la ville de New York aujourd’hui.
Et il n’est pas inintéressant de s’attarder aux penseurs du mouvement tels qu’Adam Smith, que j'ai toujours vu d'un mauvais oeil à cause de Michéa, sans l'avoir jamais lu:
L'idée de Smith selon laquelle le marché peut s'autogérer sans que personne ne donne des ordres est, depuis, au coeur de la pensée économique. mais on a parfois l'impression que les gens passent plus de temps à vénérer Adam Smith qu'à le lire. Smith avait d'autres choses à dire, des choses qui ont été largement oubliées.
Et plus loin:
Aucune société ne peut prospérer et être heureuse, dans laquelle la plus grande partie des membres [les travailleurs] est pauvre et misérable. (Adam Smith)
Adam Smith faisait preuve d’une défiance inédite envers les grands capitalistes. L’auteur nous donne quelques unes de ses citations, truculentes:
La proposition de toute nouvelle loi ou règlement de commerce, qui part [des capitalistes], doit toujours être écoutée avec beaucoup de précaution, et ne doit jamais être adoptée qu'après avoir été longtemps et sérieusement examinée, non seulement avec le plus grand scrupule mais avec la plus grande défiance. Elle vient d'un ordre d'hommes dont l'intérêt n'est jamais exactement le même que celui du public, qui généralement est intéressé à tromper et même à opprimer le public, et qui, dans bien des occasions, n'a pas manqué de le tromper et de l'opprimer. (Adam Smith)
Goodwin donne de plus un éclairage très intéressant sur la Révolution Française, comme l’émergence d’une bourgeoisie qui fit sombrer l’Europe dans le chaos et la guerre. Economix est donc un manuel d’économie, mais aussi d’histoire. Et tout le monde en prend pour son grade:
Certains socialistes se souciaient moins de remplir les ventres que de préserver la beauté, l'artisanat et l'individualité dans un monde qui semblait s'en moquer un peu plus chaque année.
Goodwin cite des noms que je ne connaissais pas, comme celui de Thorstein Vleben et la théorie de la classe de loisir, qui dépeint les riches comme des primitifs par leurs comportements ostentatoires. Il tient pour responsable les puissants, et l’idée d’un déclin de l’économie à partir des années 1970 est en partie imputable aux managers issus d’école de commerce. L'économie est de plus en plus déréglementée pour leur faciliter la vie. On retrouve Adam Smith:
Le profit est toujours très élevé dans les pays qui sont faciles à ruiner (Adam Smith)
Pas très aboutie graphiquement, cette bande dessinée est pourtant une réussite. Elle tient en premier lieu au séquencement scénaristique judicieux de Goodwin. J'ai parfois eu du mal à bien comprendre la fin de l'ouvrage: l'économie devient aussi complexe que le monde dans sa globalité. Mais l'exposé est clair et il explique très bien par les faits l'idée intuitive que les inégalités se creusent aux profit des plus riches. Je compte y revenir un jour, me faire une piqûre de rappel sur les concepts que j'aurais mal assimilé.