Je ne peux pas m’empêcher de craquer ma tirelire quand je trouve une belle occasion comme ce « Sunnymoon » de Blutch. Je n’avais pas lu cette compilation depuis des lustre. J’en avais pourtant gardé un souvenir perturbant. Pas pour son graphisme évidemment, mais davantage pour le thème de la maladie abordé dans la deuxième partie du recueil.
Sunnymoon est la fille du roi de Donaldville. Elle ressemble à une intello, porte de grosse lunettes, mais est diablement séduisante et rappelle ces héroïnes de bande dessinée sexuées telles que Barbarella ou Valentina. Elle erre dans un monde enfantin, fait de références cinématographiques ou graphiques propres à l’enfance de Blutch, que l’on aurait pu croiser dans « Le Petit Christian ». Il y a quelque chose d’absurde et de vaguement surréaliste dans ces histoires courtes qui explique leur parution dans Fluide Glacial.
Des emprunts à Tintin, Blake & Mortimer et L’Incal pour la bande dessinée, Paul Newman ou les sept mercenaires pour le cinéma, qui surgissent sans crier gare dans la vie de la princesse Sunnymoon.
Il se trouve que Sunnymoon est tombé malade. D’une saloperie. C’est au début du deuxième tome. Le dessin a changé, Sunnymoon ressemble moins à une bibliothécaire sans ses lunettes.
Écoute ça: avec un cul comme le votre, on a envie de s’faire chier dans la bouche. (Philippe)
Sunnymoon tombe de l’espace, rencontre un ogre et semble toujours être en mouvement. Tout le monde veut la sauver, mais au final elle n’est tout simplement pas malade.
Le format d’histoires courtes sied très bien à la lecture et permet à Blutch de laisser libre cours à son imagination en passant du coq-à-l’âne d’une thématique ou d’une référence à une autre. Le dessin me séduit toujours autant, il n’est pas encore aussi libre et expérimental qu’à partir de Mitchum. Parues entre 1992 et 1994, les histoires de Sunnymoon ne s’expliquent que rétrospectivement qu’après « Le Petit Christian ». Mais le style encore en gestation montre une évolution sur les deux tomes. C’est amusant de se dire que Blutch a fait ses armes chez Fluide Glacial, mais cela me semble logique vu l’absurdité de ses histoires, même si elles apparaîtront peut-être un peu plus poétiques et pleines de finesse que le périodique. Encore un coup de maître.