Je n'avais encore jamais chroniqué de manga. Je ne me souviens même plus comment je suis tombé sur celui-ci. Je ne connais même pas Satoshi Kon, dont j'ai pourtant tellement entendu de bien. Je démarre la lecture de ce manga sans avoir jamais vu aucun de ses animés, ni même "Paprika" qui semble être l'un de ses plus fameux. Satoshi Kon a d'abord démarré sa carrière en tant que mangaka avant de devenir réalisateur d'animé.
Paru sous forme sérialisée d'octobre 1995 à juin 1996, et inachevé lors de sa parution en deux volumes, Dark Horse a pris l'initiative de les éditer sous forme d'omnibus, avec une fin inédite exhumée des archives de Kon.
De quoi parle donc "Opus" ? Présenté comme un « meta-manga » avec l'ambition de questionner le lecteur sur la réalité, ce manga raconte l'histoire de Chikara Nagai, un mangaka qui se fait aspirer par une des planches de la série nommée "Resonance" qu'il a créé. Cette série met en scène Satoko et Lin, doués de dons de télépathie, qui affrontent un mystérieux vilain appelé "Le Masque". Nagai se retrouve protagoniste lui-même, et devient l'un des héros de sa propre création, de son univers. Le lecteur est questionné tout au long de l'histoire sur la frontière entre réalité, rêve et fiction.
Satoko réalise par l'irruption de Nagai qu'elle n'est qu'un personnage sans libre arbitre.
Have we no will of our own ? You are god, and we are nothing ?! (Satoko)
Satoko et Lin se rebellent contre ce déterminisme, et contraignent Nagai à leur laisser le choix de finir l’histoire comme ils le veulent.
Et là où le manga devient intéressant et résolument "méta", c'est lorsque que la réalité même de Nagai y voit l'irruption de Satoko. Elle se demande logiquement quel est le créateur de son propre créateur.
Does someone write his world too ? (Satoko)
"Opus" est donc naturellement inachevé. Cela n'est d'ailleurs pas problématique, même si le chapitre du brouillon final est intégré dans l'omnibus. En effet, tout le questionnement sur la réalité de la réalité devient impossible à résoudre. Ce qui explique probablement la difficulté pour Satoshi Kon d'achever son travail, considérant les différents niveaux de mise en abime possibles. La version sérialisée n'en reste pas moins brillante, complexe et intelligente.
J'ai trouvé le synopsis très intéressant, mais je lui trouve quelques défauts néanmoins. L'action me semble trop présente, et il y a ces cris de manga incessants, ça hurle et ça saute dans tous les sens. Ce mouvement et dynamisme permanent dans les mangas me fatigue assez souvent. Ça brasse trop de vent.
Graphiquement j'ai trouvé cela très abouti. J'y vois une parenté avec Akira dans les décors très détaillés et les aptitudes psychiques des protagonistes (Satoshi Kon a été l’assistant de Katsuhiro Otomo lorsqu’il était étudiant). Cette introduction à l'univers de Satoshi Kon me donne envie de découvrir ses animés, assurément.