Michéa propose une approche critique de la baisse du niveau scolaire, qui n'est pas uniquement due à un dysfonctionnement structurel de l'école, mais qui s'inscrit dans une stratégie de domination des élites. Son essai ne démarre d'ailleurs pas directement sur la faillite du secteur éducatif, mais plutôt par une remise en contexte macroscopique du système capitaliste en vigueur. En tant que marxiste (avec suffisamment de recul sur les limites mêmes du marxisme), Michéa attaque de plein fouet le capitalisme, comme à son habitude, avec cette conviction que la gauche a toujours contribué, directement ou non, à renforcer cette domination. Comment se justifie selon lui leur domination de classe ? Par un concours de circonstances favorables, Mai 68 en France étant par exemple un moment clé d'une destruction progressive des acquis sociaux. Et en particulier concernant l'école. Les nombreux réajustements des dirigeants vis-à-vis de la gestion du système scolaire sont pour lui une stratégie parmi d'autres pour garder le contrôle des populations. Michéa constate donc la disparition progressive d'enseignements classiques et critiques au profit d'un divertissement éducatif. Ce "tittytainment" (contraction de "tits" et "entertainment") induit selon lui un abêtissement de la jeunesse. Le néologisme d’idiocratie n’est évidemment jamais employé, mais c’est pourtant de cela dont il est question dans cet essai. Et sur le long terme, d’un renforcement de la servilité des peuples par l’abrutissement dès le plus jeune âge. « On asservit plus facilement les peuples avec la pornographie qu’avec des miradors » disait Soljenitsyne... (j’aimerais beaucoup sourcer cette incroyable citation).
Il est clair, en effet, que la transmission coûteuse de savoirs réels - et, à fortiori, critiques -, tout comme l'apprentissage des comportements civiques élémentaires ou même, tout simplement, l'encouragement à la droiture et à l'honnêteté, n'offrent ici aucun intérêt pour le système, et peuvent même représenter, dans certaines circonstances politiques, une menace pour la sécurité. C'est évidemment pour cette école du grand nombre que l’ignorance devra être enseignée de toutes les façons concevables.
Le concept de Spectacle de Debord y est largement repris. Ce qui semble très approprié compte tenu de la mutation du système scolaire, qui fait de l'élève un spectateur et non plus un acteur de son propre développement personnel. Il est d'ailleurs communément admis qu'il ne servira que de chair à canon dans le monde professionnel.
Dans la terminologie de l’European Round Table, et donc dans la pratique de la Commission Européenne, l’élève est devenu un « client » et le cours un « produit ». De nombreux parents d’élèves ont déjà parfaitement assimilé cette idée moderne.
Je vois régulièrement des publicités dans le métro pour des cours particuliers accessibles en complément scolaire, probablement destinées à des familles aisées, qui étayent le propos de Michéa. En dix chapitres et six scolies, il propose une synthèse pas toujours claire, car très condensée, mais solide néanmoins. Son discours sans concessions apparaît de plus légitime: Michéa est professeur de philosophie au lycée. Et non pas à l'université, qui accueille déjà les futures élites du système.