Petit Rouge

Jouir, en quête de l’orgasme féminin - Sarah Barmak

15/03/2021

TAGS: barmak, essai, feminisme

Et, en parallèle de tout cela, on exige des femmes qu’elles soient sexuellement attirantes et qu’elles atteignent l’orgasme. Mais l’omniprésence d’images hypersexualisées et très normées dans nos vies quotidiennes est devenue bien plus oppressante que libératrice.

Essai hybride sur la sexualité féminine recommandé par une amie, « Jouir » ambitionne de détricoter les malentendus et de combler le vide médical et sociétal du plaisir des femmes. Étude sérieuse et écrite sans agressivité, ce livre entend mettre à jour les connaissances sur la sexualité féminine et de briser des tabous qui perdurent encore aujourd’hui.

Le lecteur masculin que je suis à beaucoup appris sur l’anatomie et les désirs frustrés des femmes. Mais je crois que même elles ont des connaissances incomplètes sur leur corps et les moyens a leur disposition pour atteindre l’orgasme.

Les adeptes du taoïsme savaient qu’une femme a besoin d’être stimulée, comme on porte de l’eau à ébullition, jusqu’au moment où elle ressent le besoin d’être pénétrée. Où elle supplie de l’être, même.

Être à la traine. Cet essai m'a énormément complexé. Mais un retour aux fondamentaux n'est jamais malvenu. Revenir à la base. De l'écoute et de la pédagogie. Et approfondir, actualiser et capitaliser sur de nouvelles connaissances. Il y a un peu d’aigreur chez Barmak à certains moments.

L'incommunicabilité entre l'homme et la femme amène cette dernière à considérer des approches pour atteindre l'orgasme qui frisent parfois avec le new-age. La médiation orgasmique, dont même Sarah Barmak semble se méfier.

Ce à quoi nous venons d'assister est parfaitement réel. Pour autant, cela demeure un spectacle. C'est du show business. Un numéro parfait. J'ai l'impression d'être dans une église baptiste en train d'écouter Jésus Clit me faire un argumentaire marketing.

Le chapitre « Jouer » est le plus long de l’essai. Il témoigne de l’énorme fossé entre les femmes et les hommes dans la communication autour du plaisir féminin. Les initiatives néo-tantriques ou la méditation orgasmique auxquelles de plus en plus de femmes ont recours est à la fois positif dans leur démarche de connaissance et de ré-appropriation du corps, mais pourtant très inquiétant pour l’avenir du couple (ou tout au moins d’une quelconque union entre plusieurs personnes). L’onanisme ou l’aide extérieure sollicitée pour des massages pelviens enterre toute possibilité de parvenir à la jouissance avec un partenaire « conventionnel ». Ce point met en évidence le problème sous-jacent posé par la problématique féministe dans sa globalité. Celle de s'enfermer dans un ghetto où le dialogue avec les hommes est rompu, à la fois par la faute de ceux-ci mais aussi par la tendance (à mon sens) parfois extrémiste du féminisme qui retardera probablement de plusieurs années la prise de conscience des enjeux réels d'une parité homme-femme saine et équilibrée. Etant particulièrement novice sur ces sujets, il est fort probable que cet avis reste borné par une éducation patriarcale qui est vouée à disparaître. Ou en tout cas muter, vers un assouplissement.

Ce que Barmak présente, c'est aussi une avant-garde féministe nord-américaine. Souffrante de reliquats historiques de puritanisme anglo-saxons. Même si les approches décrites me semblent parfois un peu extrémistes pour l'européen (et encore plus, le latin) que je suis, sans toutefois éveiller de ce dégoût ou mépris pour cette mouvance, je reste sceptique quant à leur déploiement effectif en Europe. J'imagine que les bourrins qui pullulent probablement aussi ici seront rapidement concerné. Mais, et c'est probablement encore dû à cette éducation, cette déferlante de pratiques m'inquiète pourtant un peu. Je souhaiterais personnellement un meilleur équilibre entre les sexes, ainsi qu'un retour de la communication pour éviter que les femmes et les hommes ne s'éloignent les uns des autres définitivement. Et cela, Barmak ne l'acquiesce pas assez franchement, ne pourra passer que par le retour d'un dialogue, d'un échange apaisé.

OneTaste. Business. Le plaisir apparaît souvent comme un commerce dédié aux bourgeois. Barmak se fait d’ailleurs recadrer sur ce point. Mais elle réplique que la jouissance est un élément de l’accomplissement humain. La dernière étape pour accéder au bonheur.

Conseillère en santé holistique et professeure de danse, Anita Boeninger pense que si l’on parvenait à sortir du carcan qu’est devenu le sexe conventionnel, nous pourrions aider à guérir non seulement les gens, mais aussi nos sociétés occidentales, gangrenées par une culture du résultat.

Barmak propose donc au final un essai fort intéressant, qui déconstruit des clichés qui perdurent. Cet ouvrage témoigne d'un réel malaise, qui espérons-le, servira à éveiller les consciences.