Dans mes jours fastes, cependant, j’ai l’impression de soulever un voile et sans chercher à invoquer ici l’inénarrable - ou pire, l’ineffable -, je suis persuadé que nous tenons avec la bande dessinée une forme insolite - et inédite, pourquoi pas - d’écriture poétique.
Trente pages d’hommages à des auteurs de bande dessinée européens. Parfois connus, parfois non. Des détournements, comme auraient pu le faire les situationnistes. Mais qui seraient poétiques donc, plutôt que politiques. Et avec le talent qu’il leur manquait.
Ce qui me plaît, c'est refaire. Refaire pour comprendre... Le 9e art, personne n’y comprend rien. Et moi, encore moins que les autres.
Blutch ne retient qu’une seule planche de ses maitres et produit des tableaux dans des styles parfois abstraits (Druillet, Jacobs), parfois grotesques (Greg, Bretécher). Et d’autres dans celui qui lui est propre. Une appropriation donc, parfois personnelle, avec des rappels autobiographiques, des obsessions déjà rencontrées dans ses œuvres précédentes (les femmes en particulier). Et au final des variations comme un musicien qui répéterait ses gammes, dans le trait, les thèmes qu’il extrapole à partir du matériau original.
Blutch peut donc aujourd’hui faire ce qu’il veut: il est dans la stratosphère depuis longtemps. Il peut désormais recopier ses auteurs favoris et proposer des albums sans histoire. Cet exercice de variations est intelligent et probablement plus pertinent que la reprise d’une série par un autre artiste que son créateur. Il en dit long à la fois sur ses influences, ses passions et sa construction personnelle en tant qu’artiste. Plus qu'un simple hommage, « Variations » est au final un support autobiographique brillant et inédit. Comment fait-il pour être à la fois aussi avant-gardiste et populaire ? Les hommages sont parfois surprenants, il n’y a jamais d’élitisme chez lui. La bande dessinée dans sa globalité apparait avec cet album (au format inédit) l’expression la plus moderne qui soit.