Petit Rouge

Nova - Samuel Delany

29/09/2020

TAGS: delany, roman, sci-fi

La Souris, embarrassé et sur le qui-vive, se remit en marche. Puis il s’arrêta et se retourna. Le disque d’or fixé sur l’épaulette gauche du capitaine portait un nom gravé: Lorq Von Ray.

Lorq Von Ray recrute un équipage pour effectuer une mission. Il projette de plonger dans une nova au moment de son explosion pour ramener une quantité prodigieuse d’illyrion, un métal dense indispensable à la propulsion des astronefs. Son équipage comprend La Souris, un cyborg d’origine gitane qui rêve de voyages interstellaires.

Qui nous accompagne là où la nuit s’appelle éternité et où le matin n’est qu’un souvenir ?

Lorq Von Ray brigue la suprématie interstellaire. Un renversement de pouvoir. Il rivalise avec Prince Red et convoite sa sœur Ruby, d’une beauté époustouflante. La rivalité entre ces deux hommes remonte à l’enfance. Issus tous deux de grandes familles illustres, la mission suicide de Von Ray permettrait aux Pléiades de s’affranchir du Dragon, dominé par la corporation Red-shift.

Delany porte un regard singulier sur le vingtième siècle. Il l’analyse comme le début de l’unification globale par l’accélération de l’information et de la communication. Cette notion s’étend à la galaxie à l’heure du récit, la propagation de l'information s’étant drastiquement accélérée depuis. La question de l'aliénation du travail est aussi évoquée, cet aspect ayant disparu avec l'émergence des interfaces techno-neurales. On retrouve dans « Nova » cet élément si passionnant de la science-fiction, à savoir parler du présent en invoquant le futur de l’homme et de son passé assimilé.

Souquet inventa ses fiches et ses douilles, ses circuits neuro-réactionnels et toute la technologie de base permettant le contrôle de la machine grâce à des impulsions nerveuses directes - les mêmes qui font mouvoir ta main ou ton pied

Je suis parfois resté un peu perplexe: malgré la révolution des interfaces techno-neurales sur le travail, l’homme reste prisonnier de luttes de pouvoir, de convoitises. « Nova » raconte aussi l’histoire d’un amour impossible entre Lorq et Ruby. Malgré le fait que l’homme de « Nova » est augmenté sous la forme de cyborg ou d’androïde, il reste foncièrement humain et donc plein de défauts.

C’était l’heure de la sieste méridienne et l’Esclaros était désert. Lorq descendit nonchalamment entre les murs pailletés de quartz. La brume léchait les marches du bas; venant de l’horizon, semblables à des agneaux debout, se succédaient ses vagues blanches que l’ombre bleuissait à gauche et que le soleil embrasait d’or à droite.

Interface techno-neurales. Voyages interstellaires. Jargon physicien. Mais aussi des rappels sur des artefacts plus anciens comme le tarot ou des mythes comme la quête du Graal. Katin, le membre le plus cultivé de l’équipage de Lorq, écrit un roman. Une obsolescence au siècle du récit. Delany navigue donc entre modernité et tradition et cette dualité apparaît être le moteur de l’évolution humaine. La syringe de la Souris représente très bien cet aspect. Elle est présentée comme un instrument de musique qui se joue traditionnellement mais permet d’exprimer de manière futuriste une diversité de sens et d’émotions.

L’écriture est parfois abstraite (en particulier le chapitre 6 dans les Pléiades). J’ai été agréablement surpris par ce roman de science-fiction complet, relativement court. Il a apparemment eu une grosse influence sur le mouvement cyberpunk. Delany est parfois cryptique, ce qui me plait toujours beaucoup en science-fiction. Son écriture m’apparaît donc suffisamment moderne pour résister à l’épreuve du temps.