Petit Rouge

Mitchum - Blutch

01/06/2020

TAGS: blutch, bd

Blutch, toujours. Evidemment. Ce génie de la bande dessinée d'auteur qui émerge dans les années 90 voit sa série expérimentale « Mitchum » compilée dans un recueil unique, agrémentée de quelques histoires inédites. Véritable laboratoire graphique et séquentiel, cet ouvrage est unique pour son témoignage d’une gestation artistique débutée en 1996 et achevée en 1999. Il jette les bases d’une bande dessinée d’auteur qui s’affranchit sur la forme et le fond.

Certes avec « Mitchum » Blutch passe souvent du coq à l’âne. Le style est libre, parfois expérimental et abstrait. Il flirte régulièrement avec l’abstraction picturale et narrative. Certaines planches de ces nouvelles peuvent parfois se savourer comme un tableau, ce qui est particulièrement vrai pour ses nombreuses pages muettes (je valide particulièrement ces choix). Il y a parfois chez lui un semblant d’écriture automatique, une large place accordée à l’improvisation graphique.

Flirtant à la fois avec la fresque historique, des scènes de vie d’un ancien temps ou d'autres plus actuelles, Blutch met en histoire ses sujets de prédilection. La musique (jazz en particulier), le cinéma (Jean Renoir, Robert Mitchum évidemment, mais aussi la pop culture des séries télévisées de sa jeunesse), la peinture. L’art, tout simplement. Et une certaine idée de l’érotisme, les femmes sont toujours splendides et sensuelles chez lui. Ces thèmes sont le plus souvent abordés avec finesse, il est toujours surprenant de se dire que Blutch a effectué ses premières armes chez Fluide Glacial. Car même les quelques pointes d'humour dont il fait preuve sont toutes en retenue. J'ai toujours ce sentiment en le lisant qu'il est un homme de goût, aux références culturelles sophistiquées et affirmées. Un esthète en somme. Une scène avec des danseurs dans une salle de fête achève le premier fascicule par une abstraction qui rappelle les enchevêtrements de corps de l’art moderne.

Il est clair que Blutch est le maître incontesté de la bande dessinée moderne. « Mitchum » n’est encore qu’un travail transitoire dans son parcours, qui trouvera sa maturité avec « Peplum » (1998) et « Vitesse Moderne » (2002) en particulier. Il donne parfois le sentiment d’être un peu brouillon. Le fascicule numéro cinq m’apparaît particulièrement faible par rapport aux quatre premiers. Mais il témoigne du bouillon de son époque et d’une liberté de ton qui achève définitivement de propulser la bande dessinée dans la maturité.