Suite et fin du cycle de Fondation. On retrouve dans « Seconde Fondation » le personnage du Mulet qui, bien que maître de la quasi-totalité de l’univers, ne dépasse pas sa condition personnelle de mutant stérile souffrant d’une énorme solitude. C’est un personnage finalement assez attachant dans la mesure où ses doutes le rendent plus humain que mutant. Sa mégalomanie s’explique par la frustration.
À quoi rimaient tous ces efforts ? Et s’il devenait le maître suprême de toute la création, en serait-il plus avancé ? Cela empêcherait-il des hommes comme Pritcher d’être droits et grands, assurés et forts ? Bail Channis en perdrait-il sa prestance physique ? Et lui-même serait-il différent de ce qu’il était à présent ? Il maudit ses doutes. Connaissait-il seulement son objectif final ?
Le roman est divisé en deux parties inégales. La première est consacrée à Bail Channis, antithèse du Mulet dans le sens où il est beau, jeune, dynamique et surtout non converti par ce dernier. C’est donc un être indépendant de ses émotions envers le Mulet. Ce dernier lui confie la mission de trouver l’emplacement de la Seconde Fondation qui est le seul rempart à sa domination totale sur la galaxie. Épaulé par Han Pritcher, bras droit converti du Mulet, ils se rendent vers un groupe de planètes non exploré par les forces du Mulet avec l’espoir de percer le secret de la localisation de la Seconde Fondation. Après avoir rencontré le gouverneur de la planète Rossem, Han Pritcher finit par suspecter puis démasquer Channis comme étant membre de la Seconde Fondation, avec le projet de destituer le Mulet. Ce dernier avait suivi le vaisseau de Pritcher et se retrouve pris au piège de Channis. S’ensuit une bataille psychique entre Channis et le Mulet, qui est remportée par ce dernier. Mais il se retrouve isolé et pris au piège par les autres membres de la Seconde Fondation et finit par perdre une autre guerre psychique avec le Premier Orateur, qui en est vraisemblablement le chef. Le Mulet vaincu, la galaxie se libère doucement de son joug et la première Fondation renaît de ses cendres.
La deuxième partie, beaucoup plus longue, est consacrée à Arcadia Darrell. Cette jeune fille de 14 ans n’est autre que la petite fille de Bayta Darrell, héroïne du volet précédent « Fondation et Empire ». Son père et quelques autres conspirent pour démasquer la Seconde Fondation. Existe-t-elle vraiment ? Si oui, où est-elle située et combien de personnes la composent ? Le dénouement se fait en plusieurs étapes, chacun ayant sa petite idée qu’il affirme avec plus ou moins de succès. Seul le lecteur est mis au courant de l’existence avérée et définitive de la Seconde Fondation. On connaît même à la fin du livre l’identité du Premier Orateur, qui n’est autre que Preem Palver, le « Papa » qui recueille Arcadia sur Trantor. L’ouvrage s’achève ainsi sur une victoire relative de la Fondation, qui apparaît être toujours manipulée par les mentalistes de la Seconde Fondation...
J’ai lu cet ouvrage d’une traite, comme s’il s’agissait d’un roman policier ou d’espionnage. Les manipulations et contre-manipulations successives font de cette lecture un agréable moment de divertissement, qui confirme ce que je sentais déjà dans « Fondation et Empire ». À savoir qu’on mettait de côté l’aspect visionnaire du premier volet pour se concentrer sur une intrigue. « Seconde Fondation » reste un excellent ouvrage, qui pose la question du déterminisme de l’être humain. Le plan Seldon n’est-il pas dans une certaine mesure le moyen pour l’homme de s’inscrire dans la divinité ? Le libre-arbitre n’est-il pas illusoire ? L’impossible certitude de l’existence de la Seconde Fondation ne ressemble-t-elle pas à celle que se pose l’humanité sur l’existence de Dieu ? La quête entreprise par le Mulet dans la première partie, puis par la Fondation dans la deuxième ressemble sans aucun doute au questionnement millénaire de l’être humain sur l’existence de la divinité. Le cycle de Fondation s’achève sur la mise en doute du lecteur qui, désorienté par les multiples rebondissements ne sait plus vraiment où donner de la tête. Il est peut-être question pour Asimov de mettre en doute nos certitudes et d’affirmer ultimement l’existence d’une force supérieure qui dirige, voire manipule, nos actes et pensées. La Seconde Fondation apparaissant alors le moyen pour l’être humain d’accéder aux pouvoir divin.