Le rêve ne peut-il être appliqué, lui aussi, à la résolution des questions fondamentales de la vie ?
Il était temps de se confronter aux fondements de ce mouvement influent. Je ne saurais pour l’instant remettre la perspective historique de ce courant artistique. Il semble qu’André Breton soit le chef de file de ce mouvement et est-ce que l’on peut déjà voir en lui un dictateur ? Il écrit à la première personne et pour les autres. Hormis les pages consacrées à l’importance du rêve dans le premier manifeste (dont est extraite la citation percutante plus haut), je n’ai pas saisi où André Breton veut nous emmener. Il invoque Freud, évidemment. Mais pourquoi pas ? La formalisation de cette découverte extraordinaire qu’est l’inconscient devait sans aucun doute investir le champ artistique. Breton manie très bien le langage, mais je n’ai pas été convaincu par les quelques exemples qu’il cite. Je trouve par contre très intéressant le fait qu’il nomme directement leurs influences (Edgar Poe, Baudelaire, Lautréamont…). Le projet, tel qu’il m’apparaît dans ce premier manifeste ne me semble pas particulièrement révolutionnaire. Je ne trouve pas le ton suffisamment solennel, alors qu’il y a pourtant quelque chose de vraiment fondamental dans cette épopée: le fait d’ouvrir le champ artistique à n’importe qui. J’entends par là cette idée que n’importe qui peut PRODUIRE quelque chose en laissant libre-cours à son inconscient. Je sais d’avance que cette idée révolutionnaire ne s’est pas réalisée puisque le surréalisme n’est resté qu’une niche artistique qui me semble avoir été jalousement gardée par leurs créateurs. Alors qu’elle aurait sans doute due être partagée au plus grand nombre. Il se pose du coup la question du talent: si chacun peut produire, que devient le rôle de l’artiste ? A quoi sert-il ? Je divague un peu. La première partie consacrée au rêve est passionnante, la deuxième est moins compréhensible et Breton s’empare déjà (à mon avis) de façon trop personnelle ce mouvement. Je suis de toutes façons du côté des hérétiques, dont Artaud (à suivre).
L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule
Il y a de la hargne dans ce second manifeste. Breton renie tout le monde, il ferme toutes les portes. Ce manifeste est surtout marqué par de nouvelles considérations politiques, absentes du premier. Le surréalisme doit dorénavant « ruiner les idées de famille, de patrie, de religion ». Il règle ses comptes et se retrouve seul, avec Aragon. On voit notamment poindre le bout de son nez des notions marxistes, comme « bourgeois » ou « prolétaire ». Le surréalisme n’est plus aussi fédérateur: « … se sont chargés de nous prouver que très peu d’hommes, parmi ceux qui se présentent, sont à la hauteur de l’intention surréaliste ». Ce manifeste est écrit à la première personne par un homme seul. J’ai inachevé la lecture du second manifeste, étant moins intéressé par les différentes querelles, les boursouflures d’égo d’André Breton. Je n’y ai pas lu de nouveau les références aux rêves qui m’avaient intéressées lors de la lecture du premier. Le surréalisme, comme de nombreuses aventures artistiques, ne s’est pas réalisé. La faut sans doute à l’égo, la soif de pouvoir. Breton a eu la main lourde sur ce mouvement (on le supposait dans le premier manifeste, c’est flagrant dans le deuxième) et cet échec lui est sans doute en partie imputable. Reste que je connais l’influence de ce mouvement chez les situationnistes (et d’autres), ce qui m’amène à penser que tout n’était pas vain.