J’ai lu ce livre en diagonale, car je n’apprends rien de vraiment nouveau sur sa thèse principale (bien qu’il réactualise constamment ses propos avec les sujets du moment). La trahison de la gauche est son thème de prédilection. Je reste conquis par son travail et son mordant. Je constate que Michéa est néanmoins pris au piège et qu’il commence à devoir se justifier de ses prises de position. On le suspecte de créer un boulevard pour l’extrême droite à cause de son tempérament relativement « réactionnaire ». Je trouve cela dommage, j’appréciais particulièrement la hauteur qu’il avait précédemment quand il ne ressentait pas l’impératif de rendre des comptes. La lecture de cet ouvrage « facile » (dans le sens où il resuce sa thèse livre après livre) m’apparait toujours compliquée à cause de la structure en scolies qui détourne régulièrement l’attention (c’est pire en ce qui concerne les notes de bas de page). Son travail reste pour autant exemplaire et incroyablement sourcé. Sa pensée reste très cohérente à mes yeux, mais je regrette néanmoins un manque d’évolution et de diversité dans sa pensée. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi il s’obstine à faire le même livre à chaque fois. Certes il suit l’actualité et ré-augmente, enrichit sa pensée par des exemples toujours plus nombreux qui rendent sa position particulièrement inattaquable. Mais après de nombreuses lectures je reste sceptique quant à sa capacité à proposer des pistes de changement et pas seulement de rester dans le constat perpétuel. Je trouve cela dommage, j’ai parfois l’impression qu’il attend (« le grand soir » ou que sais-je) et qu’il manque parfois un peu de hauteur. Il ne se mouille pas suffisamment à mes yeux en ce qui concerne un programme de sortie de crise. Peut-être que je me méprends sur son rôle. A l’heure des « gilets jaunes » son travail semble malgré tout payer. Je ne sais pas s’ils le lisent mais il théorise néanmoins la fin du capitalisme et nomme clairement l’ennemi de façon articulée.
Ce qui est admirable chez lui, c’est aussi ce que l’on retrouve chez Debord, c’est cette volonté d’esquiver le spectacle en refusant la médiatisation, bien conscient du rôle pervers des médias et de sa force récupératrice. Je pense toutefois qu’il loupera un peu le coche sur la durée car bien que son langage soit clair, cette lecture n’est pas toujours aisée. Il évite le concept creux et boursouflé des intellectuels qu’il critique, mais j’attends toujours de sa part l’ouvrage définitivement vulgarisé qui ferait de lui le médiateur d’une prise de conscience collective (ce qu’il n’a encore jamais fait). Certes le lecteur doit s’élever au niveau et faire des efforts mais il se fait doubler par la droite et les complotistes (qu’il refuse de nommer). Je comprends qu’il soit impossible de donner du crédit à des mecs comme Alain Soral mais je souhaiterais de sa part une mise au point franche dans ses prochains livres et pas uniquement des redites. Il martèle, ça finira par payer, mais il doit aussi proposer de nouvelles approches à mon avis. Je crois qu’il est pris au piège malheureusement.