Les "Messages Révolutionnaires" regroupent la plupart des écrits d'Antonin Artaud lors de son voyage au Mexique en 1936. Artaud n'est pas encore complètement fou lorsqu'il s’y rend trouver un remède pour soigner son mal. Il en profite pour y effectuer plusieurs conférences, qui ouvrent ce recueil. "Trois conférences prononcées à l'université de Mexico" montrent un Antonin Artaud inscrit dans les problématiques de son époque.
Comme d'habitude chez lui ce n'est pas toujours clair et limpide, mais il a cet art indiscutable des formules percutantes et poétiques. Son propos n'est pas toujours politisé, mais on le découvre sous un jour nouveau. Il conspue le fascisme et raille les Surréalistes qui se sont ralliés au stalinisme. Le capitalisme n'est pas en reste :
Le libéralisme capitaliste des temps modernes a relégué au dernier plan les valeurs de l’intelligence
Alors certes, Artaud exagère un peu quand il parle au nom de toute la jeunesse, mais son détachement envers l'idéologie (marxiste en particulier) est presque visionnaire à une époque où pas mal d’intellectuels tombent dans ce piège.
Mais pour la jeunesse révolutionnaire de la France, le marxisme, en conservant le sentiment de la conscience individuelle, empêche la Révolution de revenir à ses sources, ce qui veut dire qu'il arrête la Révolution.
Il conclut ses trois conférences par un éloge de la magie des Indiens du Mexique. Sans doute une volonté de sa part de s'inscrire au-delà des considérations strictement politiques de son temps. J'ai de nouveau envie de croire que l'on peut faire ce trait d'union entre Artaud et Stirner. Artaud ne met sa cause en rien, et son départ du mouvement surréaliste semble indiquer un refus d'être catalogué.
Artaud recherche au Mexique un équilibre. Il veut y trouver la "magie" (terme qui reviendra souvent dans le recueil), une tradition ancestrale, primitive, folklorique et rituelle. Car il semble déçu par la civilisation Occidentale, qui lui apparait décadente. Elle est selon lui exclusivement tournée vers le progrès (cette « superstition du progrès ») et occulte par là-même la notion de vie et de mort d'une civilisation millénaire. Est-ce parce qu'il n'a pas trouvé, via la médecine de son époque, le remède contre sa souffrance psychique ? Artaud espère une révolution mexicaine qui ferait le trait-d'union entre tradition et une forme hérétique de marxisme. Il invoque une révolution sociale qui serait aussi métaphysique.
Il y a des forces de vie enfouies sous la terre, et si l’époque moderne est en pleine catastrophe c’est parce qu’elle a perdu le sens de la vie universelle.
L’artiste pour Artaud remplit une fonction bien définie et se doit de faire le trait d’union entre la terre et le peuple. Pour lui, la révolution ne peut être seulement sociale mais surtout culturelle. Et c’est selon lui ce qu’il manque aux révolutionnaires d’Europe, et aussi à ceux du Mexique qu’ils imitent.
Artaud conclut son expérience mexicaine dans l’indécision. Il ne semble pas avoir trouvé chez leurs révolutionnaires le retour à la terre espéré. Même s’il reconnaît dans la dernière partie du recueil une volonté de la part de certains artistes mexicains de renouer avec leur tradition ancestrale, les Mexicains lui semblent trop influencés par l’Europe.
Il y a dans ces textes d’Artaud une volonté de découverte de l’autre, ainsi qu’une vision très tranchée du but révolutionnaire. Ces textes portent bien leur nom. Mais Artaud ne fait-il pas preuve d’idéalisme ? Il y réagit avant tout en poète et ne s’inscrit pas dans le pragmatisme froid des professionnels de la révolution. Par son refus du compromis il reste bien évidemment dans mon panthéon personnel.