Librement inspiré du Satyricon de Pétrone, « Péplum » raconte l’histoire d’un homme qui participe à une expédition. Ils découvrent dans un lieu reculé une femme congelée dans une grotte. Le héros profite de la mort du chevalier Publius Cimber pour s’accaparer son nom et revenir seul avec la femme congelée jusqu’à chez lui. La femme semble vivante et exerce un pouvoir de fascination sur tous les hommes qui croisent son regard.
Cette bande dessinée est un régal graphique qui relance la tradition assez française du roman graphique, au moment de l’explosion de la bande dessinée d’auteur alternative fin des années 90.
Blutch maitrise tout, tout seul. L’écriture est théâtrale, au sens antique du terme et touche avec pudeur à des thèmes comme l’homosexualité (voire la pédérastie), l’impuissance, en situant le contexte du récit avec la mort de Jules César.
La bande dessinée est un médium qui peut parfois suggérer plus qu’un roman, par sa mise en scène, son cadrage. Ces termes empruntés au cinéma ne sont pas anecdotiques. Rien que le titre de la bande dessinée renvoie au cinéma. Blutch est d’ailleurs un authentique cinéphile, comme il le montre dans tous ses livres et en particulier dans « Pour en finir avec le cinéma ».
La construction même du récit de « Péplum » est cinématographique. Même les dessins qui intercalent les chapitres et qui pourraient sembler anecdotiques fonctionnent par ellipses. « Péplum » fait des rappels au cinéma donc, mais évidemment au théâtre antique. Cette œuvre rappelle les adaptations de Fellini ou Pasolini.
Le héros du récit est en proie à une obsession. Il attend le dégel de la femme congelée. Il s’agit d’un amour non consommé, contrairement à celui du petit frère. Sa beauté (il ressemble à David Bowie, période « Let’s Dance ») et son arrogance lui attirent sympathies et animosités. En particulier de cette actrice, dont il n’arrivera pas à combler les désirs.
La femme congelée, on le sait dès le début du récit, est une malédiction. A la fin du récit le héros, recueilli par un groupe d’étudiants, ne peut masquer son amertume et son cynisme après le dégel, qui exhibe la femme congelée qui était morte depuis le début.
La richesse des thèmes, on a parlé d’amour et d’impuissance, d’homosexualité et de trahisons (le héros cède le petit frère à un homme de haut rang en échange de la femme congelée), accompagne une histoire claire, limpide et efficace.