Après « Lipstick Traces » de Greil Marcus, qui laissait un goût d’inachevé, il semblait nécessaire de se pencher sur cette somme sur l’un des mouvements avant-gardistes les plus intéressants du vingtième siècle.
Plus théorique évidemment que le livre de Marcus, Patrick Marcolini détaille les concepts clés du mouvement. Il va plus loin que la simple histoire de Debord et autres, et s’attèle à énumérer l’influence du mouvement après la dissolution de l’IS jusqu’à nos jours. On découvre une multitude de nouveaux livres à lire tant les références sont nombreuses. Et ce qui n’était pas clair dans « Lipstick Traces » y est expliqué: la filiation du punk par rapport aux situs.
Du cyberpunk à la bande dessinée (notamment L’Association), l’influence des situs sur la contre-culture que j’adore depuis des lustres s’explique clairement. L’ouvrage est limpide donc, et très bien structuré. Jusqu’à la conclusion brutale, à laquelle je ne m’attendais pas. Le situationnisme a finalement renforcé indirectement le capitalisme en ouvrant la voie du plaisir ludique, en promouvant le nomadisme. En atteste la récupération d’anciens membres de l’IS par le système. Conclusion brutale donc, car rien avant ne prépare à cette critique du mouvement. Le détournement (graphique par exemple) est pour Marcolini une arme à double tranchant qui fait de la bourgeoisie la classe révolutionnaire, une fois de plus. Révolutionnaire dans le sens où elle a renforcé ses propres moyens de production, et donc de domination.
Debord est resté lucide sur cette épopée intellectuelle. Les « Commentaires » en attestent. Mais quelle déception pour ma part de comprendre le rôle d’agent joué par les situs dans l’état du monde d’aujourd’hui. La conclusion s’achève sur le rôle du conservatisme pour les luttes futures, en rappelant la « common decency » d’Orwell chère à Michéa. Ma construction idéologique est sauve.