Artaud est fou et irrécupérable à sa sortie de l’asile de Rodez. Ce qui est manifeste dans son dernier ouvrage sorti de son vivant. Je l’ai lu sans tout comprendre, à la recherche d’éléments pertinents au gré du hasard. Dans ce genre:
J’étais homme mais les portes avec leur serrure de colère voulaient me voir me penser moi-même en animal, admettre enfin mon animalité. Et c’était ce que je ne pouvais accepter.
A propos des poète maudits frappés par la folie:
Parce qu’on a eu peur que leur poésie ne sorte des livres et ne renverse la réalité.
Cette conscience altérée de la réalité me touche, bien évidemment.
La correspondance est instructive même si Artaud semble parfois racler les fonds de tiroir. C’est évident vu les attentats mentaux qu’il a subis. Il est question d’incantations et de possession d’esprit. L’exemple d’Anie Besnard en atteste, elle qui selon Artaud serait morte assassinée et remplacée par un autre esprit. Le monde entier est possédé.
La troisième partie du livre (« Interjections ») est plus qu’abstraite et témoigne de l’obsession d’Artaud pour le corps:
Je suis un insurgé du corps
Lui qui s’est créé lui-même sans père ni mère.
Moi je n’ai pas d’esprit, je ne suis qu’un corps.
Comment ne pas adhérer aux délires de persécution d’Artaud ? Vu sa trajectoire. Et cette folie mégalomane d’être Dieu. Artaud avait cette fulgurance, cette vision abstraite du monde dans lequel il évoluait. Sa propre réalité de fou, de poète maudit.
Les poésies semblent écrites de manière automatique, crachées par l’inconscient. La maitrise du langage et son dépassement par cette langue crée de toute pièce, comme les incantations magiques qu’elles sont censées représenter, témoigne d’un réel génie.
Même s’il est parfois difficile d’y voir clair dans ses propos, je reste évidemment conquis par Artaud, qui aura eu le talent et l’audace de montrer qu’il y a une autre réalité, d’autres mondes et d’autres manière de percevoir la vie. Chose que seul un fou peut réussir.