Petit Rouge

Lipstick Traces, une histoire secrète du vingtième siècle - Greil Marcus

17/08/2017

TAGS: marcus, histoire, situationnisme, debord, musique

Livre historique hybride qui tente de faire un parallèle entre le punk, le dadaïsme, le lettrisme et le situationnisme à travers ses figures marquantes (Johnny Rotten, Guy Debord, Isidore Isou, …).

Très bien documenté (la bibliographie choisie est énorme), on en apprend beaucoup sur les origines des mouvements cités. Mais Marcus passe parfois du coq à l’âne.

Il est surtout meilleur dans la seconde partie du livre (dada, lettrisme puis situationnisme) que la première qui est trop « rock-critic » à mon goût. Je n’ai pas saisi le lien entre Johnny Rotten et Guy Debord tout de suite, mais l’épilogue / conclusion permet de mieux saisir la volonté de l’auteur de saisir ces moments incarnés par des personnalités fortes pour faire basculer le monde, la société.

Sans doute sur des aspects bien différents (le dadaïsme comme non-art, le situationnisme comme non-politique et le punk comme révolte), Greil Marcus, avec son point de vue américain et plein d’érudition dresse un tableau assez cohérent des tentatives infructueuses mais influentes de bouleversements de la société au vingtième siècle.

J’ai beaucoup appris sur le dadaïsme originel du Cabaret Voltaire de Zurich, aussi sur le lettrisme d’Isidore Isou dont je retiens cette phrase:

Nous appelons Jeune, quel que soit son âge, tout individu qui ne coïncide pas encore avec sa fonction, qui s’agite et lutte pour atteindre le centre d’agent désiré, pour « arriver » à une autre situation et à un autre genre de travail dans le circuit économique, car il méprise et hait le rôle que lui offre le marché existant.

Je n’ai pas trop saisi le rôle de Michel Mourre dans l’histoire par contre. Les Esprits Libres portent un nom intéressant mais qui semble en décalage par rapport à leur mysticisme. Bien qu’étant lettriste et que l’événement de Notre Dame ait été un déclencheur par la suite.

La partie situationniste - lettriste est de loin la plus intéressante. Marcus nous apprend la dérive, la psychogéographie, et Debord apparait comme le personnage sans concession que j’imaginais.

Je suis globalement surpris de voir que ces gens jeunes aient été si créatifs et radicaux. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Mais le parcours post-situ de certains membres de l’IS, hormis Debord, est inquiétant. Michèle Bernstein a chroniqué chez Libération. D’autres sont devenus artistes dans le show business. La « révolution » en prend un coup. Mais ce livre insiste sur l’éternel renouveau de la jeunesse.

Dans l’épilogue, je retiens de Greil Marcus:

Les désirs traditionnels dont le rock’n roll était porteur, faire du bruit, aller de l’avant, « s’annoncer soi-même », étaient transformés en désir conscient de faire sa propre histoire, ou d’abolir l’histoire déjà faite pour vous.