Publié en 1908, presque dix ans avant la révolution russe, "Le Talon de fer" retrace de manière romanesque l'éducation populaire d'Avis, après sa rencontre avec un intellectuel prolétaire qui deviendra son mari par la suite: Ernest Everhard. Jusqu'à la révolte populaire. Considéré comme le premier roman dystopique, il est scindé en deux parties. Celle qui décrit les conditions de vie du prolétariat, qui est sans doute assez fidèle à la réalité vu le parcours de Jack London, et celle qui décrit de manière plus fictive un scénario de révolte populaire.
Avis Everhard est la narratrice de ce roman, qui s'achève sur un mystère. Les notes de bas de page (fictives pour la plupart) de London semblent indiquer que le prolétariat a fini par gagner la lutte des classes dans les années 2000. Un siècle donc après le début de la prise de conscience, dont Ernest est le représentant le plus éclairé.
La première partie du roman décrit le basculement d'Avis suite à sa rencontre avec Ernest, figure presque messianique du prolétariat. Roman incroyablement pédagogique et encore très actuel, "Le Talon de fer" expose la lutte et les rapports de force entre le prolétariat et une oligarchie. Il est intéressant de noter que les acquis sociaux sont des compromis du talon de fer au prolétariat et que, de la même manière que dans notre propre réalité, c'est un moindre mal qui empêche la "dictature du prolétariat" de manière définitive.
Ce roman, salué par Trotsky et apparemment aussi apprécié de Lénine expose de manière ironique dans la partie fictive du récit une période de clandestinité des révolutionnaires qui n'est pas sans rappeler celles des dissidents russes à l'ère de Staline.
Bien que les notes fictives de bas de page semblent indiquer au final une victoire du prolétariat, la tonalité de la fin du roman, qui marque l'entrée dans la guerre civile, est assez pessimiste. Le prolétariat se déshumanise et se transforme en bête sauvage. Le meurtre se banalise, la violence devient une norme. Après l'appel de la nature, bref instant dans le récit.
"Le Talon de fer", sans doute destiné à vulgariser les concepts marxistes et socialistes pour un lectorat populaire est réussi. Bien que toujours d'actualité, la disparition même du concept de lutte des classes dans les médias et tous les discours politiques est peut-être la victoire de notre talon de fer à nous.