Comment ai-je pu passer aussi longtemps à côté de ce manifeste du situationnisme ? Peut-être encore une fois à cause de "La Société du spectacle", qui est une lecture tellement difficile pour une personne non-initiée aux différents jargons (marxiste, lettriste et sans doute d'autres encore). Le "Rapport" est clair. Il est court. C'est paru en 1957; il y avait encore une avant-garde à l'époque. Aujourd'hui le vide absolu. Le spectacle est déployé. Et pourtant ce texte est tellement d'actualité. Ne serait-ce que pour cet éclair de lucidité:
Le but principal de l'idéologie de la classe dominante est donc la confusion.
Si Debord voyait où on en est aujourd'hui et à quel point il était clairvoyant. Dans ce "Rapport", Debord expose le projet situationniste à créer. Repenser nos sociétés toutes entières par la psycho-géographie, l'urbanisme. Cela semble farfelu mais la finalité l'est moins. Faire de l'homme un être autonome, délivré des dominations.
Moi qui aie été marqué au fer rouge par Stirner j'ai envie de croire que Debord veut réaliser l'Unique, même si je sais que l'égoïsme n'a pas vraiment sa place dans le projet situationniste.
Sans le dire, Debord semble nous inviter à participer à la construction d'une anarchie ultime, où il n'y aurait au final même plus de médiateur anarchiste pour "montrer la voie".
Debord dresse brièvement les échecs des mouvements culturels dits révolutionnaires, pour nous montrer leurs erreurs, leur faillite. Le projet de Debord et des situs était trop ambitieux. Sans doute trop d'avant-garde. S'agirait-il d'une stratégie des classes dominantes de mettre en avant l'ouvrage le plus difficile d'accès de Debord plutôt que ce "Rapport" ? Quelle erreur stratégique de sa part de n'avoir pas su (ou pu) employer la clarté de langage d'Orwell pour rendre accessible à tous l'un des derniers projets humanistes que la Terre ait connu !