Petit Rouge

The Atrocity Exhibition - JG Ballard (1970)

29/07/2010

TAGS: ballard, nouvelle

L'œuvre la plus expérimentale de Ballard à été entreprise en 1965 et achevée en 1993. On repense en particulier au titre de Joy Division du même nom ou à l'adaptation cinématographique du roman par J.Weiss.

Que peut-on dire rétrospectivement de ce roman présenté comme visionnaire et prophétique ?

En disséquant La foire aux atrocités, on constate assez vite qu'une bonne partie des chapitres sont construits de manière identique. La trame des neuf premiers chapitres tient grosso modo en une ligne : un docteur psychotique (Traven, Tallis, Talbert, ...) tente de rationaliser sa psychose en conjuguant "géométriquement" sa réalité avec des évènements ou des figures marquantes de l'époque (l'assassinat de Kennedy, le suicide de Marilyn Monroe ou les accidents de la route de James Dean et de Jane Mansfield). Ballard permute et combine ces évènements avec ses propres obsessions sur la sexualité, la violence, et décline le personnage central dans « une succession de rôles, parcourant un spectre de possibilités disponibles à chacun dans nos vies intérieures ».

Les derniers chapitres hormis « The Generations of America » décrivent une étude clinique des effets psychosexuels induits par Jacqueline Kennedy, les atrocités de la guerre du Vietnam, les accidents de voiture et Ronald Reagan.

Le style d'écriture est froid, notamment par l'usage de termes médicaux ou psychiatriques qui font de certains paragraphes un rapport médical.

L'aspect expérimental de l'œuvre est déroutant et laisse le lecteur perplexe quant aux motivations de Ballard. Il est souvent difficile de démêler les commentaires de société et l'étalage des obsessions personnelles de l'auteur.

Au-delà de ce roman en particulier, on peut se demander si le but d'une œuvre abstraite n'est pas tout simplement de laisser le lecteur dans un état de perplexité, de le laisser mariner dans son coin pendant qu'il remet en cause ses capacités élémentaires de lecture et de compréhension. Imaginons un instant l'auteur jubilant, qui vend de l'obfuscation, de la complexité et du vide au public sous couvert d'intelligence conceptuelle.

L'auteur laisse donc au lecteur le soin de réfléchir et de remplir lui-même les zones d'ombres du roman, lui déléguant ainsi une partie du travail de recherche. Avec ce roman, JG Ballard fait grand usage de ce concept moderne d'interactivité. Ce livre suscite plus d'interrogations que de réflexions. Une fois le brouillard dissipé, que reste-t-il en substance ?

Ce livre parvient néanmoins à tenir le lecteur dans un état de curiosité qui le pousse à continuer la lecture, dans l'espoir qu'une explication, qu'un éclaircissement ou qu'un dénouement final apporte une clé de compréhension ou permette de donner une cohérence à l'ensemble. Puisqu'il s'agit de descriptions de la réalité vécue d'un psychotique, une explication rationnelle apparaît rapidement inenvisageable. On trouvera parmi les annotations de JG Ballard quelques rares clés de compréhension du roman.

Quelques éclats de génie conceptuels se dégagent malgré tout en cours de lecture. La IIIe guerre mondiale qui a lieu dans nos têtes, le traumatisme et le changement comportemental induit par la médiatisation massive d'évènements marquants, notre fascination pour le sexe, la violence et la bizarrerie.

Si ces thèmes sont pertinents voire visionnaires pour l'époque, on peut parfois douter de la pertinence du style et de la construction narrative de Ballard. La surabondance de phrases absurdes mêlant géométrie, terme psychiatriques ou médicaux et figures pop apparaît parfois trop artificielle. Certains paragraphes (condensed novels) sont souvent superflus. Alors que Ballard arrive parfois à cristalliser brillamment un concept en une phrase unique.