Petit Rouge

The New Beats - S.H. Fernando (1994)

27/07/2010

TAGS: fernando, document, musique, hiphop

"The New Beats" est l'ouvrage d'un passionné de hiphop : Skiz Fernando. Peut-être plus connu du public sous les pseudonymes de Spectre, Ill Saint ou Slotek et comme fondateur du label Wordsound, Skiz s'est tout d'abord illustré en tant que journaliste dans la presse hiphop américaine.

Ce livre synthétise un an et demi de rencontres, d'interviews et de tribulations à l'est et à l'ouest des Etats-Unis. Les acteurs incontournables du mouvement interviennent au cours des chapitres et racontent le hiphop dans sa dimension culturelle, sociale et politique. Les témoignages de plusieurs générations d'acteurs du mouvement permettent à l'auteur d'inscrire le hiphop comme projet dans le temps et non comme mode passagère.

L'histoire du hiphop débute par celle de ses influences : de la disco/funk aux sound systems jamaïcains, en passant par les groupes identitaires noirs. L'auteur nous rappelle que le hiphop, en plus d'être une assimilation des genres, est surtout le résultat d'une transmission culturelle inédite. L'appropriation musicale via l'usage détourné d'équipement audio, couplée à la forme d'expression verbale propre d'une génération mise à l'écart ont inspiré à Skiz le parallèle à la beat generation qui justifie le titre de cet ouvrage.

Ecrit en 1994, l'histoire du hiphop semble s'arrêter dans le livre au moment de sa mort annoncée. Pourtant, la généralisation mercantile et la neutralisation de toute conscience politique par la récupération médiatique du rebelle sauvage n'ont, d'après Skiz, pas tué le hiphop. Le hiphop comme projet d'éveil des consciences continue d'exister à travers l'underground. Le dernier chapitre du livre, "Notes sur l'underground", affirme concrètement ce fait en transformant l'auteur médiateur du mouvement en acteur, la création de Wordsound allant dans ce sens.

L'ouvrage a été critiqué pour avoir omis la diffusion du hiphop à travers le monde. On nuancera ce point en rappelant que cette culture, enfantée dans un contexte social propre aux Etats-Unis était malgré tout universelle par essence et que cet ouvrage s'intéresse davantage aux causes plus qu'aux conséquences.

Ce livre reste incontournable pour réaliser ce qui n'est plus évident à mesurer aujourd'hui : que le hiphop formait un tout culturel et politique basé sur la prise de conscience sociale.

On salue l'initiative d'une traduction française de cet ouvrage. On regrettera par contre l'absence des photos originales dans cette version.